À Yaoundé, la fête nationale du 20-Mai est officiellement l’occasion pour le président et commandant en chef des armées de communier avec les forces de défense. Mais pas seulement…
Ils seront près de 5 000 personnes, militaires et civils, à marcher au pas ce 20-Mai le long du boulevard éponyme, en plein cœur de Yaoundé, à l’occasion de la grande parade marquant la fête de l’Unité au Cameroun. Une tradition vielle de 51 ans, introduite en 1972 par l’ancien président Ahmadou Ahidjo pour marquer la tenue, cette année-là, du referendum ayant fait passer le Cameroun d’État fédéral à État unitaire. Depuis lors, les deux chefs d’État qui se sont succédé à la tête du pays ont élevé cette célébration au rang de pilier du patriotisme, et fait de cette cérémonie un moment de glorification de l’armée camerounaise.
Le défilé du 20-Mai est en effet l’une des rares occasion au cours desquelles Paul Biya s’affiche en commandant des forces armées, en dehors des sorties solennelles de l’Emia, l’école nationale des sous-officiers. Le président camerounais ne s’est jamais mis en scène en treillis sur le front des différents conflits que connait le Cameroun, à l’inverse de son ancien homologue tchadien, feu Idriss Déby Itno. Il n’a pas non plus d’appétence particulière pour les hommages aux soldats disparus. Alors, forcément, le rendez-vous annuel revêt un caractère exceptionnel.
Plus d’un mois de préparation
Cette communion avec les hommes en tenue est en outre hautement encadrée. Un peu plus d’un mois de préparation est en effet nécessaire aux différents corps des forces de défense, armées de terre, de l’air et marine nationale. Aucune fausse note n’est admise durant ce moment. Depuis l’assassinat de l’ancien président égyptien Anouar el-Sadate en 1981 en plein défilé militaire, le haut commandement camerounais a profondément remanié son dispositif de déploiement lors des fêtes nationales.
L’armée accorde ainsi une attention particulière au bon état des véhicules qui participent à la parade, et aucun militaire n’est autorisé à porter une arme chargée, à l’exception de la Direction de la sécurité présidentielle, qui assure la garde rapprochée de Paul Biya. Le protocole d’État n’est cependant pas à l’abri des mauvaises surprises, comme voici sept ans, le 20 mai 2016.
La limousine conduisant le président camerounais était ainsi tombée en panne alors que ce dernier s’apprêtait à procéder à la traditionnelle revue des troupes. Un moment d’embarras immortalisé : l’incident filmé par un téléphone portable avait fait le tour des réseaux sociaux. Passé le malheureux évènement, Paul Biya avait pris les choses en main. Il circule désormais à bord d’une robuste Range Rover, avec lequel il parade jusqu’à ce jour.
Paul Biya… et rien d’autre !
Moment fort de la vie publique camerounaise, le 20-Mai – qui n’a pas eu lieu en 2020 et 2021 en raison de la pandémie de Covid-19 – est aussi l’occasion d’inviter quelques pays amis à se joindre à la fête. Après le Congo Brazzaville en 2022, c’est l’armée égyptienne qui a été conviée à faire défiler une partie de ses troupes ce 20 mai 2023. Mais l’événement sera une nouvelle fois très politique, en particulier alors que se profile déjà l’élection présidentielle de 2025 et que les premiers appels à une candidature de Paul Biya commencent à apparaître.
Le 20-Mai est en effet une occasion renouvelée pour le président, lequel est régulièrement critiqué pour son âge avancé, de démontrer sa vitalité et faire mentir ses détracteurs. Lors de la cérémonie, le chef de l’État, qui prend traditionnellement une période de repos en amont de la cérémonie en Suisse ou dans son fief de Mvomeka’a, reste donc debout pendant l’entièreté du défilé militaire. En 2022, il n’avait échappé à personne que de hauts dignitaires de la République, à l’instar du président de l’Assemblée nationale Cavaye Yeguié Djibrill, n’avaient pu réussir cet « exploit ».
Pour le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir), cet évènement a aussi souvent été l’occasion de faire montre de sa capacité de mobilisation, en faisant défiler d’interminables rangs de militants. Et, du côté de l’opposition – qui a parfois boycotté l’événement -, le défilé sert aussi régulièrement de tribune. Au plus fort de la crise anglophone en 2018, les militants du Social democratic front (SDF) avaient ainsi paradé avec des photos d’exactions commises en zone anglophone affichées sur des torses nus, poings levés vers le ciel.
Après eux, les partisans du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto avaient quant à eux posé leurs mains sur la tête en guise de lamentations. Des démonstrations qui avaient bien évidemment agacé au plus haut point l’entourage du président. Depuis cet évènement, le protocole d’État scrute d’ailleurs minutieusement l’ensemble des messages pouvant apparaître lors de la fête de l’Unité. Seules les effigies de Paul Biya sont désormais autorisées.