Le groupe Bestinver a lancé des procédures judiciaires contre une dizaine de banques camerounaises ou sont logés les comptes de MTN Cameroun pour non application des décisions judiciaires ordonnant la saisie des avoirs de la compagnie de téléphonie mobile dans le but de les cantonner. Une bataille qui pourrait ébranler le système bancaire au vue des montants et des enjeux.
L’affaire Danpullo contre la filiale camerounaise de l’opérateur des télécoms sud-africain MTN connaît des rebondissements au tribunal première instance de Bonanjo, à Douala. Le 9 mars 2023, le Président du Tribunal de Première Instance de Douala Bonanjo Djapité Ndoumbé Quentin a rendu une ordonnance de consignation des sommes saisies auprès des banques en exécution d’une série d’ordonnances de saisies conservatoires des créances prises courant septembre 2022. Lesquelles ordonnances venaient en recouvrement de la somme de 243 milliards FCFA au préjudice de MTN, MMC et autres vers un compte séquestre. a appris de sources introduites que si les banques concernées (Standard Chartered, UBA, UBC, Afriland Firts Bank, Bicec, etc.) avaient bel et bien saisi les soldes desdits comptes se pliant à leurs obligations légales face aux ordonnances autorisant les saisies, ces banques a l’exemple de Afriland First Bank déclarent détenir un « pool account », tout en précisant que les fonds logés dans ce «pool account » étaient insaisissables au regard des dispositions règlementaires. Dans le jargon financier, le « pool account » renvoie à un compte bancaire dans lequel transitent les opérations des clients Mobile Money. En d’autres termes, le solde de ce compte n’appartient ni à MTN Cameroun ni à la banque domiciliataire mais plutôt aux clients.
Une source a la Beac évoque aussi ce caractère insaisissable du « pool account ». Notre interlocuteur nous renvoi à l’article 52 de la règlementation Cobac du 21 décembre 2018 qui stipule que
“Les fonds reçus par un établissement de paiement de la part des clients en vue de la prestation de services de paiement restent la propriété des clients. Ils ne peuvent être utilisés qu’aux fins de réalisation d’opérations de paiement. Ils sont protégés contre tout recours d’autres créanciers de l’établissement de paiement, y compris en cas de procédure d’exécution ou de procédure collective d’apurement du passif ouvert a l’encontre de l’établissement”.
» On a une autre procédure qu’on a engagée contre ces banques pour les obliger à cantonner les montants saisis. On a demandé au juge de les condamner à cantonner sous astreinte d’un milliard [de FCFA] par jour de retard. La procédure est déjà pendante. […] Tantôt, ils vous disent que c’est un compte de cantonnement ; tantôt c’est que, si ce compte n’est pas débloqué, ils ne peuvent pas garantir les salaires. Est-ce que c’est avec ce compte qu’on paie les salaires ? Ce compte n’a pas vocation à poser une seule opération de la banque. Nous avons la preuve que ce compte a reçu des sommes qui n’ont rien avoir avec le Mobile Money », explique un avocat impliqué dans la procédure.
Le groupe Danpullo indique qu’avant que ces banques n’organisent la résistance, elles auraient d’abord dû appliquer la décision du juge.
« Même si le juge a ordonné la saisie d’un compte insaisissable, on doit d’abord exécuter la décision de justice. […] L’ordonnance de saisie prescrit la saisie de 240 milliards. La loi dit que tant que le montant autorisé par l’ordonnance n’est pas atteint toutes les sommes qui rentrent dans le compte sont indisponibles », argumente notre source.
A la question de savoir si la saisie des comptes de MTN ne mettra pas cette multinationale sur la paille, notre source répond :
« Si MTN tombe en faillite ça signifie que MTN a raconté des mensonges que c’était un compte de cantonnement ; la loi oblige les sociétés de téléphonie à souscrire à une assurance pour ces comptes là. Nous on est totalement en faillite en Afrique du Sud. Les liquidateurs ont pris tous les actifs de Baba Danpullo en Afrique du Sud. Ses biens ont été bradés. Tenez par exemple, il avait un immeuble acquis à 21 milliards mais la Banque qui a saisi ses biens pour un montant dérisoire l’a vendu à 8 milliards », explique la source.
Du côté de MTN, on crie au scandale. « La décision du juge ne se fonde sur aucun argument. Il a reçu une requête. Il s’est enfermé dans son cabinet. Il a accordé une ordonnance que rien ne justifie. Il est Juge et Partie. Depuis 7 mois, le même juge a été saisi en référé de 7 recours en contestation de ses premières ordonnances autorisant les fameuses saisies bancaires absurdes que rien ne justifie. Depuis 7 mois, il n’a pas encore trouvé suffisamment d’arguments pour se prononcer sur ces recours. La semaine dernière et celle d’avant, le Ministère public s’est prononcé en faveur de la levée de ces saisies que rien ne justifie. Il n’y a aucun péril sur les fonds cantonnés en banque depuis 7 mois. Il est peut-être intéressant de savoir pourquoi se précipiter à demander leur transfert [dans un compte séquestre] alors que des décisions sont attendues sur la régularité des saisies. En plus, les sommes logées dans le pool account sont la propriété des clients du mobile money et sont, de par la loi, insaisissables », proteste un haut responsable de MTN.
La même source déclare qu’il faut lire l’article 24 de l’Instruction du Gouverneur de la BEAC no 002/GR/2021 qui dispose que :
» le compte de cantonnement (…) ouvert au nom d’un établissement assujetti dans les livres d’un autre ou de la Banque centrale, ou par un assujetti dans ses propres livres pour sa propre activité, ainsi que les fonds qui y sont domiciliés, ne peuvent faire l’objet d’une saisie ou des voies d’exécution prévues par l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution de l’OHADA du 10 avril 1998″.
Le 19 juin 2020, les biens immobiliers de Danpullo sont saisis et vendus en Afrique du Sud par la First National Bank (FNB). D’après cette banque, le Camerounais s’est retrouvé en situation d’insolvabilité. C’est-à-dire qu’il n’était plus en mesure de rembourser ses dettes depuis 2019. Mais, selon Baba Danpullo c’est un mensonge. Il s’agit plutôt de « spoliation » et « de croisade raciste » contre son groupe Bestinver qui a investi dans le secteur de l’immobilier en Afrique du Sud. Même ses différents recours devant les juridictions pour contrer cette action de FNB sont restés vains.
Comme contre-mesure, Danpullo saisi la Justice camerounaise et obtient d’un juge, Quentin Djapité Ndoumbé, Président du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo, la saisie des comptes bancaires de MTN, Broadband Telecom de Collins Mukete, Mobile Money Corporation et Chococam, en vue de recouvrer ce qu’il considère comme des « sommes malicieusement distraites » par son banquier First National Bank. Or il se trouve que MTN Cameroon et Chococam sont des filiales de la société Public Investment Corporate (PIC), qui est elle-même actionnaire de FirstRand Bank. Raison pour laquelle, Danpullo les cible au Cameroun en représailles.
Danpullo chiffre à 5 milliards de rands (200 milliards de FCFA) les actifs que la FirstRand Bank lui a fait perdre en Afrique du Sud. En plus de cette somme, le milliardaire camerounais réclame le paiement de 23,8 milliards de FCFA au titre de « loyers indument perçu (21,6 milliards) » et de « frais de recouvrement (2,2 milliards) », de même que des intérêts au taux de 3,25%. Soit un montant global de 243 milliards de FCFA.
Il faut préciser pour la suite des rebondissements de cette affaire des copies d’une “requête en autorisation de prise a partie” et d’une “notification de déclaration de renvoi pour cause de suspicion légitime” adressées par le pool de défense de la Société MTN constitué de Me David Etah, Me Ngnie kamga, Me Barnabé Nekué et Me Roland Abeng au greffier en chef du Tribunal de première instance de Douala Bonanjo et datée du 12 Avril 2023. En langage simple, la société MTN Cameroun demande la récusation du Juge Djapite Ndoumbe Quentin, président du Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo en charge de l’affaire, qu’elle soupçonne d’impartialité dans le cadre de la “déclaration de renvoi pour cause de suspicion légitime” et de faute lourde professionnelle dans le cadre de la “requête en autorisation de prise à partie”.