Les 17 personnes soupçonnées d’être impliquées dans l’assassinat du journaliste Martinez Zogo ont été présentées pour la première fois devant la cour du tribunal militaire de Yaoundé le 25 mars.
Le rôle du tribunal militaire de Yaoundé avait annoncé une audience spéciale ce 25 mars, pour l’ouverture du procès de l’affaire Martinez Zogo, plus de deux après l’assassinat du journaliste camerounais. Sur les lieux, un dispositif exceptionnel a donc été mis en place pour accueillir la centaine de personnes qui se sont massées à l’intérieur, comme à l’extérieur, de la salle d’audience de cette juridiction militaire.
Le public était composé essentiellement de curieux, mais aussi de journalistes et des proches des personnes impliquées dans l’affaire. Diane Zogo, l’épouse du défunt journaliste, était ainsi parmi les premières personnes à être installées dans la salle d’audience du tribunal. L’ambassadeur des États-Unis s’est, lui, fait représenter par son chargé des relations publiques, Ethan Tabor.
Une trentaine d’avocats impliqués dans le dossier
Les 17 accusés ont tous répondu présent à l’appel effectué par le président du tribunal Misse Njone Beaudoin. Parmi eux, l’ancien patron de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE), Léopold Maxime Eko Eko, et l’homme d’affaires Jean-Pierre Amougou Belinga, assis côte à côte au premier rang, étaient particulièrement scrutés. Tout comme le lieutenant-colonel Justin Danwe, cerveau présumé du commando ayant entraîné la mort de Martinez Zogo, vêtu de sa tenue militaire d’apparat. Martin Savom, accusé de complicité, s’est lui présenté, vêtu d’un boubou bleu.
La trentaine d’avocats qui défendront les différentes parties au cours de ce procès ont également présenté leur lettre de constitution à la cour. Au cours des échanges, les parties ont été surprises de découvrir que la DGRE s’était constituée partie civile le 15 mars dernier, et qu’elle se fera représenter par un collège d’avocats emmené par Me Claude Assira.
Comme attendu, cette première audience a surtout porté sur les exceptions de procédure. La première a été soulevée par Me Charles Tchoungang, qui défend les intérêts de Jean-Pierre Amougou Belinga. S’exprimant face à la cour, l’ancien bâtonnier a demandé que le procès soit retransmis en direct à la radio et à la télévision, ceci afin que « la vérité ne soit pas dégradée ». Une doléance partagée par les avocats d’Eko Eko, qui l’ont également fait savoir.
Avocat du lieutenant-colonel Justin Danwe, Me Jacques Mbuny s’y est cependant vivement opposé, évoquant le risque de divulgation des secrets d’État. « Parmi ces accusés, 13 sont des agents de la DGRE. Il y a des choses qui ne peuvent pas être dites. Lorsqu’on était encore en phase d’instruction, on a pu observer que notre client était parfois interrompu. Si dans un tel cadre restreint, il n’a rien dit, est-ce que c’est dans cette salle qu’on va se mettre à délier tous les secrets et même les secrets d’État ? » a-t-il interrogé, avant de suggérer que « des phases du procès se tiennent à huis clos ».
L’intervention de Me Claude Assira, avocat de la DGRE et donc défenseur de l’État, qui s’est prononcé en faveur de la publicité des débats, a mis un terme aux échanges. Me Jacques Mbuny a déclaré qu’il cessait de s’opposer à la diffusion médiatique du procès. « On ira jusqu’au bout donc, il n’y aura pas de tabous », a-t-il lancé.
Prochaine audience le 15 avril
Les autres observations ont porté sur la possibilité de faire venir du matériel multimédia tels que des vidéoprojecteurs, sur des clarifications au sujet de la partie civile – les ayants droits de Martinez Zogo s’étant fait représenter par deux collèges d’avocats distincts –, ou encore sur l’accès à l’intégralité du dossier d’instruction, un préalable à un procès juste et équitable selon les juristes.
Me Jean-Pierre Buyle, avocat de Léopold Maxime Eko Eko, est quant à lui revenu sur la vraie-fausse ordonnance de remise en liberté de son client, signée par le deuxième juge d’instruction Sikati II Kamwo, le 1er décembre dernier, et a exigé « son application immédiate ». Le commissaire du gouvernement, Cerlin Belinga, a répondu à cette observation en déclarant que l’ordonnance « n’existe pas », que ce dont il parle est un « faux document ».
L’affaire a été renvoyée au 15 avril prochain, date à laquelle le commissaire du gouvernement devra apporter ses observations au sujet de la partie civile, et ce avant que le président du tribunal Misse Njone Beaudoin ne se prononce sur les différentes observations soulevées.