Manaouda Malachie, ministre de la Santé publique, a organisé le 17 mai un meeting pour appeler Paul Biya à briguer un huitième mandat en 2025. La campagne et les polémiques sont déjà lancées.
Le sempiternel rituel partisan des appels à candidature à l’approche de la présidentielle de 2025 a été relancé. Le 17 mai 2023, plusieurs personnalités du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), se sont retrouvées autour du ministre de la Santé publique Manaouda Malachie pour un « meeting historique » au stade municipal de Mokolo, dans le Mayo–Tsanaga, département de la région de l’Extrême Nord.
Lors de ce rendez-vous, l’initiateur du rassemblement et ses camarades du parti ont appelé leur « champion » et « candidat naturel », le président Paul Biya, à briguer un nouveau mandat de sept ans à la magistrature suprême, pour la « sécurité » et la « stabilité » du pays. Selon le ministre de la Santé publique, les signaux sont venus de la base et les jeunes voulaient « prendre clairement position ».
« Si le président continue de donner les mêmes gages que jusqu’ici, alors rien ne peut nous dévier de notre trajectoire, celle de le soutenir pour un nouveau mandat », a également indiqué Mohamadou Bayero Fadil, sénateur du RDPC que le ministre avait pris soin de convier, et dont la « prestigieuse présence » devait donner « un cachet particulier » à l’événement.
« Cessez de rêver »
Au cours du meeting de Mokolo, le puissant homme d’affaires camerounais n’a d’ailleurs pas manqué de tancer les partis d’opposition, dans une ambiance de pré-campagne. À Maurice Kamto, le président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), il a lancé un vibrant « cessez de rêver », avant de se réjouir de « la disparition quasi certaine du Social democratic front » (SDF), l’autre grand parti de l’opposition, lors des prochaines échéances électorales.
Signe que la campagne pour la présidentielle pourrait être déjà lancée, Maurice Kamto s’apprête à effectuer un séjour en France, à Paris, où il a prévu de s’adresser aux Camerounais de l’étranger lors d’un forum consacré aux diasporas africaines le 27 mai prochain. Le 6 mai dernier à Yaoundé, le patron du MRC avait prévenu ses partisans, eux aussi réunis en meeting : « Nous devons être prêts dès à présent, quels que soient les adversaires que notre parti aura à affronter ».
Y compris chez des partis officiellement alliés au RDPC, l’appel de Manaouda Malachie a été jugé plutôt fantaisiste.
« Paul Biya a clairement affirmé que le moment venu, il dira aux Camerounais s’il se présente à la présidentielle ou s’il rentre au village. Il sait par conséquent exactement ce qu’il va faire et n’a besoin de personne pour faire son choix »
A ainsi déclaré Saïdou Maïdadi, cadre de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès, un parti en progression dans la région du Nord et qui dirige aujourd’hui la mairie de Ngaoundéré.
Eau, santé, éducation… « C’est cela que demande la population »
Au-delà des partis politiques, l’initiative de Manaouda Malachie devait surtout permettre à la jeunesse de l’Extrême Nord « d’exprimer son engagement inébranlable derrière le chef de l’État ». Mais, dans des régions du nord du pays où le RDPC est très critiqué, certaines voix ont au contraire profité de l’occasion pour déclencher une pluie de critiques à l’encontre du ministre de la Santé publique. « Nous ne l’avons pas établi comme notre leader », a récusé Martin Zoua Lacdanné, jeune activiste de la société civile.
Pour ce blogueur très présent sur les réseaux sociaux, la jeunesse de l’Extrême-Nord est surtout « fatiguée d’être victime de Boko Haram » et du terrorisme et n’apprécie guère d’être instrumentalisée par cet appel à candidature du ministre de la Santé publique. Selon lui, les jeunes de la région revendiquent surtout d’avoir accès à l’emploi, à la formation ou encore à la santé. Un point de vue abondamment partagé.
« Les jeunes de la région ne vous ont jamais mandaté pour parler en leur nom à Paul Biya », a également critiqué Adolarc Lamissia, autre membre de la société civile, dans une autre lettre ouverte adressée à Manaouda Malachie. Selon ce journaliste et syndicaliste basé dans l’Adamaoua, la population de la Mayo-Tsanaga a d’autres besoins, notamment l’accès à l’eau. « C’est cela que demande la population », affirme-t-il à son tour.
« Paul Biya a encore de très beaux jours devant lui »
« Il y a une très grande différence entre les réseaux sociaux et la réalité. Faire du bruit chaque jour sur la toile ne sert à rien », a rétorqué Mohamadou Bayero Fadil… sur Facebook. Et de conclure, en s’adressant directement à des leaders de l’opposition qu’il estime déconnectés de la réalité camerounaise : « Il faut sortir et aller sur le terrain pour évaluer sa force de frappe (…). Avec ce que j’y ai vu, Paul Biya a encore de très beaux jours devant lui ».
Une autre personnalité politique camerounaise de premier plan semble partager cet avis. Dans la foulée de son collègue de la Santé publique, la ministre de l’Habitat et du Développement urbain, Célestine Ketcha-Courtès, a ainsi fait organiser une marche, le 20 mai, à Bangangte, son fief, afin d’appeler à une candidature de Paul Biya dès 2024 lors d’une présidentielle anticipée. La course à la ferveur militante est décidément bien lancée.