Jean-Marc Berthon, ambassadeur français pour les droits des personnes homosexuelles, bisexuelles et transgenres, devait se rendre à Yaoundé à la fin de juin. Mais le gouvernement camerounais a marqué son opposition à tout débat portant sur la question LGBT+.
Entre Paris et Yaoundé, les relations ne sont guère au beau fixe, alors même que le président Paul Biya est attendu en France dans les prochaines heures en amont du sommet pour un nouveau pacte financier mondial. Jean-Marc Berthon, ambassadeur français pour les droits des personnes homosexuelles, bisexuelles et transgenres (LGBT+), devait en effet se rendre au Cameroun à partir du 27 juin pour une visite de travail qui a créé la polémique avant d’être purement et simplement annulée.
Le diplomate avait prévu d’atterrir à l’aéroport de Yaoundé par le vol Air France AF775, le 27 juin, pour ensuite repartir par le vol AF903, le 1er juillet. Dans le cadre de cette visite, il devait s’entretenir dans la matinée du 29 avec Lejeune Mbella Mbella, ministre des Relations extérieures. Dans une note qu’il lui avait adressée le 5 juin, Jean-Marc Berthon affirmait alors vouloir examiner la situation des personnes LGBT+.
Conférence débat autour de l’identité sexuelle
L’ambassadeur français expliquait surtout vouloir passer en revue « les dispositions juridiques définies en vue d’encadrer leurs droits et le dispositif établi pour lutter contre la prévalence du VIH dans le pays ». Selon le programme consulté par Jeune Afrique, une conférence-débat sur les définitions du genre, de l’orientation et de l’identité sexuelles était également prévue, ainsi qu’un spectacle, tous deux organisés à l’Institut français du Cameroun de Yaoundé, le 30 juin.
Mais le gouvernement camerounais a exprimé sa vive opposition aux activités programmées par la diplomatie française. Dans une note datée du 19 juin, le ministre des Relations extérieures a fait savoir qu’il ne leur accordait pas son « approbation ». Lejeune Mbella Mbella a rappelé que la loi camerounaise condamne la promotion de l’homosexualité, ajoutant sans ambiguïté : « Il n’est pas possible de parler de personnes LGBT+ au Cameroun. »
« Le fait est ainsi qualifié de crime de droit commun » par le Code pénal camerounais, rappelle encore la note. Adressé au ministère de l’Administration territoriale, le courrier demande à celui-ci de prendre les dispositions afin de faire respecter la législation du pays.
Il est enfin précisé qu’il a été demandé à Jean-Marc Berthon et à « l’ambassade [de France au Cameroun] de bien vouloir se conformer à cette position du gouvernement camerounais ». Devant l’intransigeance camerounaise, la diplomatie française n’a eu d’autre choix que d’annuler la venue de son ambassadeur, comme plusieurs sources l’ont confirmé à Jeune Afrique.
Chasse aux « dessins animés allusifs »
La polémique n’a pas manqué d’enflammer le monde politique et d’envahir les réseaux sociaux camerounais. « Il y a lieu de se demander si le sujet LGBT+ est désormais une problématique diplomatique bilatérale entre le Cameroun et la France. S’inscrit-elle dans le prolongement de l’impérialisme culturel ? », s’est ainsi interrogé le Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN), dans un communiqué publié tôt dans la journée du 21 juin.
Le parti présidé par le journaliste et député Cabral Libii a également dénoncé « les bouquets de télévisions étrangères qui, ces derniers temps, inséminent dans l’enfance la culture LGBT+ avec des dessins animés allusifs et parfois explicites ». Une position que le gouvernement camerounais avait déjà défendue il y a plusieurs jours, en rappelant à l’ordre les médias qui contribueraient selon lui à faire la promotion de l’homosexualité sur son territoire.
Dans un communiqué diffusé le 12 juin à destination des médias, le Conseil national de la communication (CNC) avait en effet menacé de suspension toute chaîne qui diffuserait « des programmes laissant apparaître des scènes d’homosexualité, préjudiciables au bon ordre social, a fortiori à l’enfance et à la jeunesse […] conformément à la Constitution, aux lois et règlements en vigueur ».
Le Cameroun reste l’un des pays où l’homosexualité est fortement pénalisée. L’article 347-1 du Code pénal prévoit « une peine de six mois à cinq ans de prison et une amende allant jusqu’à deux cent mille francs pour toute personne qui a des rapports sexuels avec une personne de son sexe ».
« Chaque année, des personnes homosexuelles ou perçues comme telles font l’objet d’arrestations et parfois de poursuites judiciaires dont la plupart sont fondées sur des soupçons plutôt que sur des preuves », soulignait le Commissariat général aux réfugiés et apatrides, rattaché à la Belgique, dans une étude publiée en 2021.