Alors que les besoins de ressources financières pour assurer la réalisation des projets de la stratégie de développement du pays se chiffrent sur 10 ans à 88 000 milliards de FCFA dont 8 950 milliards de FCFA pour la seule année 2023, Louis Paul Motaze émet des signaux de détresse. La forme affichée sur le marché des bons du trésor assimilables, flétrit de jour en jour. D’où proviendront les ressources pour réaliser l’ensemble des fonds nécessaires à la transformation de l’économie camerounaise en moins d’une génération.
La cérémonie d’installation du nouveau Directeur général des Impôts, Roger Athanase Meyong Abath, a donné l’occasion au ministre des Finances, Louis Paul Motaze, d’agiter la sonnette d’alarme sur le financement des projets de la Stratégie nationale de développement ( SND30) dont l’horizon a été fixé à 2030 par le gouvernement. Le 5 avril 2023, le ministre des finances s’est inquiété sur l’incapacité du gouvernement à couvrir les besoins en investissements du pays dans le cadre de la SND30. La récente évaluation des besoins en investissement des projets retenus dans la SND30 se chiffrent à 88 000 milliards de FCFA est étalé sur la durée de mise en œuvre de la stratégie de 10 ans environs. Par un calcul simple, on peut estimer que ce besoin se chiffre à 8800 milliards de FCFA par an. Pour 2023, le besoin (…) est déjà calculé à 8950 milliards de FCFA, explique le ministre des Finances. Pourtant, dans les faits, la capacité de mobilisation des recettes propres, donc fiscales, s’établit à 2 255 milliards de FCFA. Ce qui théoriquement, assène le ministre des Finances, ne représente que 25% des ressources nécessaires.
Donc 75% à rechercher dans d’autres niches. Soit 6 750 milliards de FCFA à combler.
la conjoncture mondiale impose de répondre par la négative. Poursuivant l’égrenage du chapelet d’incapacités gouvernementales et de contraintes rédhibitoires conjoncturelles et structurelles, Mr Louis Paul Motaze va sans enthousiasme, évacuer la piste de l’endettement.
« Le nôtre, il faut dire qu’il n’est pas extensible à souhait du fait à la fois de certaines vulnérabilités internes et des engagements pris auprès de certains partenaires majeurs, nous obligeant à plafonner notre niveau endettement », poursuit-il.
Moins contraignant que les financements internationaux, le marché domestique de la dette publique peut être envisagé pour combler ce vide, mais là encore, le durcissement des conditions de financements observées depuis le début de l’année courante appelle à la réserve. Fin mars, le Trésor camerounais n’a obtenu que 10 milliards FCFA sur deux émissions par adjudication dont des Bons du Trésor Assimilables de 26 semaines et des obligations du Trésor assimilables de trois ans. Le pays espérait pourtant mobiliser sur ces deux instruments, respectivement 10 milliards et 20 milliards de FCFA.
Cette série d’échecs inaugurés les 6 et 13 mars 2023, séances au cours desquelles le pays n’a reçu respectivement que la moitié et le tiers des sommes recherchées, signe la fin d’une époque où la qualité de la signature du Cameroun était irréprochable aux yeux des investisseurs. Aujourd’hui la donne semble avoir changé par la banque centrale. Le 27 mars dernier, la Beac a en effet décidé de relever pour la 4e fois, depuis décembre 2021, ses taux directeurs pour juguler l’inflation projetée à 6,4% cette année. Le taux d’intérêt des appels d’offres est ainsi passé de 4,5% à 5% de même que le taux de la facilité de prêt marginal porté à 6,75% contre 6,25%. Objectif est de Réduire la liquidité en la rendant plus coûteuse pour les agents économiques, y compris les États. Une situation qui place les ambitions du Cameroun dans une situation préoccupante.
Le Cameroun a adopté en 2009 une vision de développement à long terme : « le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE) ». La première phase de ce document allait de 2010 à 2019. Au cours de cette période, le Cameroun était censé voir sa croissance s’accélérer. Le tout premier indicateur portait sur une croissance économique soutenue pendant les 10 ans. Le souhait était d’atteindre une croissance moyenne de 5,5% sur la période de planification. A ce jour, nous n’avons pas atteint de manière totalement satisfaisante ce taux de croissance.
Le taux de croissance moyen de nos jours, selon le FMI est estimé à 3,4 % en 2022 et devrait atteindre 4,3 % en 2023. Bien loin des 5% escomptés. Entre 2020 et 2027, le pays doit accéder au statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche haute. Ceci en mettant l’accent sur ses atouts immédiats : l’agriculture et l’extraction minière, tout en veillant à une répartition moins inégalitaire des revenus. La troisième phase (2028-2035) est celle au cours de laquelle le Cameroun doit devenir un pays industrialisé. Un objectif encore loin au regard de la conjoncture.
Les mêmes causes produisent en réalité les mêmes effets. Double choc exogène avec, notamment, la crise Russo- ukrainienne, la pandémie de coronavirus, les cours du pétrole, crises sécuritaires dans les régions du Nord-ouest, du Sud-ouest, à l’Est et dans l’Extrême Nord. De plus, en invoquant la piste de l’élargissement de la base imposable en vue de faire passer la pression fiscale de 12% à la moyenne africaine de 17% ou encore à 28% comme au Sénégal, le ministre des Finances énonce désespérément des solutions peu efficaces.
Car, si les ressources fiscales douanières qui servent prioritairement au fonctionnement de l’Etat, étaient pour le financement de grands projets, l’envi et les principales priorités de l’Etat que sont les salaires, la dette extérieure et les dépenses de sécurité, les besoins d’investissement pourraient ne pas être mobilisés efficacement. Le budget de l’État s’exécute au 12ème ; il est donc difficile de combler ce gap au moins de voir certains projets financés par l’état en partenariat avec le privé, la SND 30 va au-devant de sérieuses difficultés pour l’atteinte de ses objectifs.