Épinglé par l’administration pour fraudes et soumis à un redressement fiscal, l’homme d’affaires avait riposté en attaquant en justice la cheffe du centre des impôts de Yaoundé. Après plusieurs mois de débats, elle a été reconnue coupable de « concussion » et de « corruption active ».
À l’issue d’une année de procédure fortement médiatisée, le tribunal de première instance de Yaoundé a rendu son verdict dans l’affaire opposant Jean-Pierre Amougou Belinga, président du groupe L’Anecdote, à huit agents du fisc, dont la cheffe du Centre régional des impôts de Yaoundé.
Le 2 juin 2023, la cour a condamné Émilienne Mvogo, la principale accusée, qui comparaissait libre, à un an de prison avec sursis et à 2 millions de francs CFA d’amende pour « concussion » et « corruption active ».
Ses co-accusés ont, eux, écopé chacun d’une peine de six mois de prison avec sursis, assortie de 2 millions d’amende. Les huit prévenus ont en outre été condamnés à payer 250 millions de dommages et intérêts (65 millions correspondant à la restitution de la somme indûment perçue, 65 millions pour le préjudice matériel, 115 millions pour le préjudice moral et 5 millions de frais de justice). Le tribunal n’a, en revanche, pas retenu le délit de « trafic d’influence » contre les accusés.
Une décision « inique »
Au terme du procès, l’avocat de la défense, Me Oumar Ali, a dénoncé une décision « inique » qui ne « s’appuie sur aucun élément ». Il a notamment fustigé l’exigence de « remboursement des montants perçus », qui n’est, selon lui, justifiée par aucun élément probant.
L’avocat insiste sur le fait que, tout au long du procès, Jean-Pierre Amougou Belinga, aujourd’hui en détention dans le cadre de l’affaire Martinez Zogo, n’a pas été en mesure de présenter des preuves tangibles attestant les faits reprochés aux agents du fisc.
Belinga et sa défense avaient accusé Émilienne Mvogo et ses agents d’avoir tenté de lui soutirer de l’argent en le menaçant d’un redressement fiscal plus sévère en cas de refus. Néanmoins, dénonce l’avocat de la cheffe du centre des impôts régional de Yaoundé, l’homme d’affaires n’a produit aucun enregistrement ou image prouvant que des sommes en espèces avaient circulé entre lui et les accusés, l’existence de ces « preuves » ayant pourtant été évoquée par les soutiens d’Amougou Belinga.
« S’il y a un corrompu, il y a un corrupteur »
Malgré la portée politique que Jean-Pierre Amougou Belinga a tenté, au fil des mois, de donner à l’affaire, les agents des impôts ont maintenu que le redressement fiscal du groupe L’Anecdote reposait sur des éléments tangibles. Ils ont présenté à la cour le rapport de l’Agence nationale d’investigation financière, qui soupçonnait Vision 4, la chaîne principale du groupe, de « fraude fiscale et de blanchiment ». Ils ont aussi fourni des éléments collectés auprès de différentes banques, qui indiqueraient que la structure a bénéficié de milliards de versements non déclarés à l’administration fiscale.
Les accusés n’ont cependant pas réussi à convaincre le tribunal que les diverses audiences qu’Amougou Belinga avait accordées à Émilienne Mvogo et à ses collaborateurs n’avaient pas été l’occasion de discuter de possibles arrangements financiers occultes. « S’il y a un corrompu, il y a forcément un corrupteur. Où est-il ? », s’interroge cependant un proche d’Émilienne Mvogo, qui critique lui aussi le verdict.
Me Oumar Ali a annoncé que ses clients allaient saisir la cour d’appel du Centre. Jean-Pierre Amougou Belinga devra donc à nouveau se défendre dans ce dossier, tout en gardant son attention fixée sur une autre affaire, bien plus périlleuse. Il reste en effet au cœur des investigations du tribunal militaire, qui tente de faire la lumière sur l’enlèvement et l’assassinat, en janvier dernier, de l’animateur de radio Martinez Zogo. Les demandes de remise en liberté du patron du groupe L’Anecdote ont jusqu’à présent été rejetées.