Le président de la république a présidé le 20 mai les cérémonies de la fête de l’Unité nationale. Sous l’étroite surveillance de ses collaborateurs, qui ont veillé à ce qu’aucun couac ne puisse être rendu public.
L’image a fait le tour des foyers camerounais. Alors que le chef d’état est assis dans la tribune du boulevard du 20 Mai et que défilent les forces armées, la Première dame Chantal Biya réajuste sa cravate. La scène, filmée, fait sourire les détracteurs du chef de l’État, qui se gaussent volontiers de son âge avancé de 90 ans. D’autres n’y voient qu’un geste anodin d’une épouse aimante.
Les employés des chaînes de télévision diffusant l’événement avaient pourtant reçu des consignes claires, au premier rang desquelles celle de ne pas filmer le président camerounais trop longtemps. Selon nos sources, les responsables de la Cameroon Radio Television (la télévision nationale) et de ses concurrentes avaient même été reçus au ministère délégué à la Défense par les équipes de Joseph Beti Assomo, l’un des organisateurs du défilé militaire du 20 Mai.
Samuel Mvondo Ayolo au premier plan
La division de la communication du ministère avait ainsi donné les « éléments de langage » et autres « orientations stratégiques » de l’armée, mais avait aussi rappelé aux médias nationaux les consignes concernant les plans et les images à privilégier. Le ministre délégué à la Défense s’est également chargé de préciser qu’aucun « discours de haine » ou considéré comme tel ne serait toléré sur les ondes camerounaises.
L’évènement a surtout été surveillé de près par les hommes du palais d’Etoudi, et notamment le cabinet civil du chef de l’État, lequel avait pris en charge les invitations pour le défilé militaire, de nombreuses personnalités ayant été conviées à prendre place dans la tribune présidentielle, derrière les membres du gouvernement. Le directeur du cabinet, Samuel Mvondo Ayolo, est en effet en charge de l’agenda de Paul Biya et de sa communication.
Les invités de la CRTV, qui commentaient en direct le défilé militaire, avaient ainsi été validés par le cabinet, tandis que le directeur général de la télévision nationale, Charles Ndongo, veillait au grain durant la retransmission depuis la régie de la chaîne. Le cabinet civil avait également pris en charge les invitations à la réception organisée à la fin de la journée du 20 Mai au palais présidentiel, où se sont pressées les principales personnalités publiques du pays, membres du gouvernement en tête.
Mais, comme lors du défilé, l’événement était là aussi très encadré et surveillé par la Direction de la sécurité présidentielle, dirigée par le général Ivo Desancio Yenwo. Les téléphones portables avaient été interdits aux invités, les caméras de la CRTV et les photographes officiels ayant été les seuls à être autorisés. La présidence camerounaise souhaitait ainsi éviter que sa communication officielle ne soit éclipsée par des images montrant le chef de l’État – ou l’un de ses invités _ en mauvaise posture, comme cela a pu être le cas par le passé. Les images du président du Sénat Marcel Niat Njifenji, visiblement affaibli, avaient ainsi alimenté les conversations lors de la dernière cérémonie des vœux à Etoudi.
Les précautions du président
Pour éviter tout incident et ne pas prêter le flan aux critiques ayant trait à sa santé, Paul Biya avait pris l’habitude ces dernières années de se rendre en Suisse pour une période de repos en amont du défilé du 20-Mai. La durée de ce dernier 1h30 environ dans sa version actuelle _ a en outre été réduite depuis 2019, l’événement pouvant alors durer jusqu’à plus de quatre heures.
L’option suisse a bel et bien été évoquée une nouvelle fois cette année et une première version de l’agenda du chef de l’État – laquelle avait fuité sur les réseaux sociaux – prévoyait même une période de deux semaines, notamment à Genève, où le président a ses habitudes depuis de nombreuses années à l’hôtel Intercontinental. Paul Biya a également séjourné non loin à plusieurs reprises, dans la clinique VIP de Genolier, sur les hauts du lac Léman.
Le séjour dans la région genevoise a été abandonné sans raison officielle. le présidant de la république, qui avait notamment envisagé d’assister à Londres au couronnement du roi Charles III le 6 mai dernier, a ainsi préféré se faire représenter au Royaume-Uni par le Premier ministre Joseph Dion Ngute et annuler son séjour en Europe pour préparer la fête nationale en terre camerounaise.