Doté d’un paysage médiatique parmi les plus riches du continent, le Cameroun n’en est pas moins l’un des pays les plus dangereux d’Afrique pour les journalistes. Les professionnels de l’information y évoluent dans un environnement hostile et précaire.
Paysage médiatique
Malgré le nombre important d’organes de presse (500), la production d’une information indépendante et critique reste un parcours du combattant au Cameroun. Les titres les plus emblématiques du pays sont Le Messager, Le Jour, The Guardian Post, La Voix du Centre, Défis actuels et le quotidien public Cameroon Tribune. Les radios et télévisions privées sont très nombreuses : Equinoxe TV, Canal 2 International, Siantou et Royal FM sont les plus connues. La radiotélévision publique CRTV demeure un média d’État au service de la communication du régime de Paul Biya au pouvoir, depuis 40 ans.
Contexte politique
Il est impossible d’adopter une ligne éditoriale critique et indépendante sans faire face à d’importantes menaces et pressions lorsque les intérêts du pouvoir et de ses représentants sont en jeu. Ce climat alimente l’autocensure et entraîne l’alignement de la plupart des médias sur les positions des autorités ou de certaines personnalités qui leur sont proches. Tous les membres du Conseil national de la communication (CNC), l’organe de régulation des médias, sont nommés par le président de la République.
Cadre légal
Les différentes lois sont largement contournées pour être mises au service de la répression du journalisme, et il est fréquent que des professionnels soient traduits devant des tribunaux d’exception, à l’instar de l’ex directeur général de la CRTV, en détention – qualifiée d’arbitraire par l’ONU – depuis 2016 et jugé devant le tribunal criminel spécial (TCS). La loi antiterroriste de 2014 et un tribunal militaire avaient été utilisés pour maintenir en prison le correspondant de RFI pendant deux ans et demi.
Contexte économique
Les journalistes camerounais travaillent dans des conditions de précarité extrêmes, ce qui nuit considérablement à leur indépendance. L’aide à la presse existe, mais son montant est jugé insuffisant et sa distribution dépend de l’alignement des médias sur les positions défendues par le régime. Des proches du pouvoir peuvent également créer des médias de toutes pièces pour affaiblir économiquement un autre titre critique devenu gênant.
Contexte socioculturel
Les médias fondés sur des critères ethniques ou religieux sont de plus en plus nombreux, ce qui contribue à la polarisation du débat public et encourage des prises de position relevant de l’exclusion ou de la stigmatisation.
Sécurité
Le danger est permanent pour les journalistes camerounais, exposés aux attaques verbales et physiques, aux arrestations, aux procédures bâillons et aux risques d’assassinats. En 2021, les deux journalistes Paul Chouta et Emmanuel Mbombog Mbog Matip sont sortis de prison après avoir passé respectivement 24 et 16 mois derrière les barreaux à la suite d’accusations de diffamation. Les journalistes des régions anglophones sont régulièrement accusés d’être complices du mouvement sécessionniste qui s’oppose depuis plusieurs années au pouvoir central de Yaoundé. En 2019, l’un d’entre eux a été détenu au secret, avant de mourir quelques jours plus tard. L’enquête indépendante promise n’a jamais eu lieu.