C’était sans doute l’une des seules incertitudes qu’il restait à lever :
Marcel Niat Njifenji allait-il être reconduit à la tête du Sénat camerounais ?
Vendredi 31 mars 2023, monsieur Paul Biya a nommé trente sénateurs, comme le prévoit la Constitution, qui viennent donc s’ajouter aux soixante-dix qui ont été élus à l’issue du scrutin du 12 mars. Et le président sortant de la Chambre figure bien parmi les personnalités sur lesquelles le chef de l’État a porté son choix. Il sera donc, selon toute vraisemblance, reconduit dans ses fonctions par le bureau du Sénat.
Originaire de la région de l’Ouest, âgé de 88 ans et affaibli par la maladie, Marcel Niat Njifenji était donné partant par certains observateurs de la vie politique camerounaise. Mais Paul Biya en a décidé autrement, en rappelant une nouvelle fois cet ancien directeur de la Société nationale d’électricité du Cameroun (Sonel), plusieurs fois ministre et qui vivait déjà retiré de la vie publique lorsque le président l’avait, pour la première fois en 2013, sollicité pour occuper de pareilles fonctions.
Fidèle à ses habitudes, le chef de l’État a veillé dans les nominations annoncées le 31 mars à maintenir les équilibres au sein de la dernière-née des institutions camerounaises. C’est le cas avec la nomination du lamido Abdoulaye Aboubakary, premier vice-président sortant du Sénat et puissant régent de Rey Bouba, dans la région du Nord. Parmi les membres du bureau sortant, seule la sénatrice du Littoral, Geneviève Tjoues, n’est pas reconduite.
Décédé en septembre 2021 durant l’exercice de son mandat, le sultan Ibrahim Mbombo Njoya a logiquement été remplacé. Mais le successeur de l’influent chef traditionnel des Bamouns, Nabil Mbombo Njoya, n’ayant pas les 40 ans exigés pour entrer à la Chambre haute du Parlement, c’est son frère Seidou Mbombo Njoya qui a hérité du poste jadis occupé par leur père. L’ancien président de la Fédération camerounaise de football, battu par Samuel Eto’o en décembre 2021, fait ainsi ses premiers pas en politique.
Dans le Sud-Ouest, c’est à Ekoko Mukete, chef de Kumba, dans le Sud-Ouest anglophone, qu’est revenu le fauteuil de sénateur autrefois occupé par Nfon Victor Mukete, lui aussi décédé durant son mandat, en avril 2021. L’homme d’affaires et entrepreneur, qui a aussi succédé à son père à la tête du royaume des Bafaw, est un militant actif du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC).
La nouvelle configuration du Sénat présente néanmoins quelques surprises. C’est le cas de l’entrée en scène d’Emmanuel Chatue, promoteur de la chaine de télévision privée Canal 2 et ancien candidat à la succession de Victor Fotso à la tête de la mairie de Bandjoun. Chatue a été nommé sénateur pour la région de l’Ouest, en lieu et place d’Honoré Djomo Kamga, chef supérieur de Bandjoun. Cette région de l’Ouest compte par ailleurs deux autres chefs traditionnels qui ont, eux, été élus le 12 mars : le chef du village de Bati, Rodrigue Tchuetchue Mbokouoko, et celui de Baham, Max Pokam, lequel s’était particulièrement illustré sur le front de la mobilisation face à l’opposant Maurice Kamto, lors de la présidentielle de 2018.
Dans la région du Centre, l’on note le retour en selle de Robert Nkili Atyam. Le nom de l’ancien ministre des Transports avait été cité dans le cadre de l’opération Épervier pour un détournement de fonds présumé, en lien avec l’achat d’avions MA60 mis à la disposition de la compagnie Camair-Co. Il fait ainsi son grand retour sur le devant de la scène politique. Frère cadet de Jeanne-Irène Biya, la défunte épouse du président camerounais, Nkili est réputé proche de Franck Biya.
Grande perdante de la mandature qui commence, l’opposition, puisque le RDPC ayant accaparé 94 des 100 postes en jeu. Paul Biya a toutefois concédé quelques sièges à certains partis en nommant Pierre Flambeau Ngayap pour l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), Marlyse Aboui de l’Alliance nationale pour la démocratie et le progrès (ANDP), Paulin Djorwe du Mouvement pour la défense de la République (MDR), Yves Tizi Tourmba Malaye du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), Besongoh Akemfor de l’Union des populations du Cameroun (UPC) et Vanigassen Mochiggle du Social Democratic Front (SDF).