Une trentaine de femmes kidnappées le 20 mai par des rebelles dans l’ouest du Cameroun, en proie à un conflit meurtrier entre séparatistes de la minorité anglophone et forces de l’ordre, ont été libérées.
Elles ont été relâchées par leurs ravisseurs dans la soirée du 23 mai , après trois jours de séquestration, a annoncé Denis Omgba, directeur de l’Observatoire des médias du ministère de la Communication.
Il n’a pas souhaité donner d’informations supplémentaires sur les circonstances de leur libération ni sur leur état, précisant seulement que l’une d’elle souffrait d’une « fracture ».
Un maire d’une localité de la région a confirmé à la libération de ces otages, sous couvert de l’anonymat. Certains groupes armés séparatistes pratiquent fréquemment des enlèvements de civils, essentiellement contre rançon, dans cette région.
Ces femmes « âgées » avaient été kidnappées le 20 mai dernier « par des terroristes armés » dans le village de Kedjom Keku, dans la région du Nord-Ouest, après avoir participé la veille à une manifestation contre des taxes exigées chaque mois par des rebelles séparatistes, avait alors assuré la préfecture locale.
Le jour de la manifestation, le 19 mai, une cinquantaine de femmes avaient d’abord été capturées, « séquestrées » et « sévèrement bastonnées » mais relâchées dans la soirée, selon M. Omgba. C’est le lendemain matin que les rebelles en ont enlevé de nouveau une « trentaine ».
Les autorités désignent toujours par le mot « terroristes » les rebelles armés qui réclament l’indépendance des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, peuplées principalement par la minorité anglophone de ce pays majoritairement francophone.
Les deux régions anglophones sont le théâtre depuis fin 2016 d’un conflit meurtrier entre l’armée et divers groupes de rebelles séparatistes qui se surnomment les « Amba Boys » ou « Amba Fighters » (de « l’Ambazonie », nom qu’il souhaitent donner à un futur État indépendant). Les deux camps sont régulièrement accusés par les ONG internationales et l’ONU de crimes contre les civils.
Au total, le conflit a fait plus de 6 000 morts et forcé plus d’un million de personnes à se déplacer, selon le centre de réflexion International Crisis Group (ICG).
Taxes
Le 19 mai à Kedjom Keku, environ 150 femmes, « âgées » selon la préfecture, avaient « manifesté publiquement » contre « les activités d’exploitation des Amba Fighters », et notamment l’obligation imposée aux civils par ces derniers de leur payer des taxes mensuelles de 10 000 francs CFA (15 euros) pour les hommes et 5 000 pour les femmes (7,50 euros).
Les rebelles assurent, eux, qu’ils prélèvent ces « taxes » pour financer leur « effort de guerre pour l’indépendance ».
Leurs exactions ont été dénoncées par les ONG internationales et l’ONU, qui accusent tout aussi régulièrement l’armée de commettre contre les civils bavures mortelles, exécutions sommaires, actes de torture voire razzias et tueries dans des villages.
Le conflit avait éclaté fin 2016 après la répression violente de manifestations pacifiques de membres de la société civile anglophone, dont une partie s’estime ostracisée par la majorité francophone de ce pays dirigé d’une main de fer depuis plus de 40 ans par le président Paul Biya.
Ce dernier se montre intraitable, même à l’égard des plus modérés qui réclament une solution fédéraliste à ce conflit, et son régime déploie massivement depuis plus de six ans l’élite de l’armée et de la police pour réprimer la rébellion.