Yaoundé a longtemps joué des rivalités qui opposaient les deux grands mouvements patronaux du pays. Le 5 avril, Ecam et Gicam vont, à la surprise générale, signer un traité de fusion.
Courant mars, Célestin Tawamba, le président du Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) et Protais Ayangma, président d’Entreprises du Cameroun (Ecam), ont réuni leurs conseils d’administration respectifs pour soumettre à la délibération le projet de fusion des deux plus grandes organisations patronales du pays.
Demain, 5 avril, les deux dirigeants officialiseront leur rapprochement lors d’une cérémonie organisée à Douala. Protais Ayangma, d’Ecam (600 adhérents) et Célestin Tawamba du Gicam (1 000 adhérents) signeront un traité de fusion qui aboutira à la formation d’une nouvelle entité, dont le nom n’a pas encore été dévoilé.
Les initiateurs espèrent ainsi constituer un patronat plus puissant et plus représentatif, afin de s’imposer en interlocuteur redoutable dans le dialogue avec l’État. Celui-ci est en effet au point mort depuis que le Cameroon Business Forum (CBF), une instance de dialogue entre secteurs public et privé dévolue à l’amélioration du climat des affaires, a été mise en veille.
Alors qu’on annonce l’avènement d’une structure de dialogue public-privé placée sous l’autorité du Premier ministre, Joseph Dion Ngute, et susceptible de permettre de mieux engager des réflexions sur l’environnement des affaires, les deux centrales vont unir leurs forces pour notamment être associées à l’examen de la loi de finances, obtenir la mise en place d’une fiscalité qui soit de nature à permettre aux entreprises de se développer, susciter la création d’un médiateur avec pouvoir d’arbitrage sur les questions fiscalo-douanières, etc.
Présidée par Célestin Tawamba, la nouvelle structure unifiée devrait changer de dénomination et d’identité visuelle pour s’adapter aux évolutions de l’époque. C’est, est en soi, une petite révolution. Créé en 1957, le Gicam va changer de nom pour la première fois de son histoire, tout en absorbant une autre organisation. S’agissant de ses effectifs, ils regrouperont aussi bien les grandes entreprises du secteur agro-industriel du Gicam que les petites et moyennes entreprises dont la promotion était jusqu’à présent le cœur de métier d’Ecam. Cette fusion devrait permettre de faciliter le financement de l’association patronale aussi bien par les pouvoirs publics que par les partenaires internationaux.
Ce rapprochement est le résultat d’un long processus entamé en janvier 2019. Ainsi, pour parler d’une seule voix face au gouvernement, Ecam et Gicam ont créé la Coordination patronale, une plateforme de concertation au sein de laquelle elles ont pu former un front uni face au gouvernement. Cette collaboration a renforcé leurs liens. Fait remarquable, Ecam a soutenu le Gicam lors du bras de fer consécutif au redressement fiscal d’un montant de 40 milliards de F CFA (près de 61 millions d’euros), opéré par la Direction générale des impôts à l’encontre de la Société anonyme des Brasseries du Cameroun (SABC, Groupe Castel). Le président du Gicam était alors monté au créneau pour dénoncer la pression fiscale.
Dans la réalité, cette fusion est une réunification, Ecam étant née d’un schisme du Gicam survenu en 2008 à la suite de l’élection contestée d’Olivier Behle, le successeur d’André Siaka à la tête du mouvement. Plusieurs dirigeants d’entreprises dont Protais Ayangma, Parrial Nyodog, Yves Michel Fotso, Célestin Tawamba, etc. claquent la porte de la centrale pour créer un autre mouvement. En 2017, Tawamba revient au Gicam en succédant au Français Armel François, qui assurait l’intérim de la présidence du Groupement depuis le décès d’André Fotso survenu en août 2016.