Pour décrocher 3,5 milliards de dollars d’aide du Fonds monétaire international sur les trois ans à venir, les négociateurs ivoiriens ont pris des engagements fermes.
Le 24 mai 2023, le conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a approuvé – sans surprise – un accord en faveur de la Côte d’Ivoire, permettant au pays dirigé par Alassane Ouattara de bénéficier d’une aide d’environ 3,5 milliards de dollars sur une période de quarante mois.
Pour la partie ivoirienne, cet engagement est le fruit des efforts du Premier ministre, Patrick Achi, et de plusieurs membres de son gouvernement, mais aussi du vice-président, Tiémoko Meyliet Koné, et de son directeur de cabinet, Emmanuel Ahoutou, cadre rompu aux négociations avec le FMI, ainsi que d’Abdourahmane Cissé, secrétaire général de la présidence
Mais pour obtenir cette aide, les négociateurs ivoiriens ont dû prendre des engagements fermes pour convaincre, côté FMI, le chef de mission, Olaf Unteroberdoerster, Facinet Sylla, administrateur pour le groupe Afrique II, et Kadima Kalonji, représentant résident de l’organisation en Côte d’Ivoire.
Pétrole, blé, cacao…
Dans le collimateur de l’institution de Bretton Woods figuraient notamment les subventions tous azimuts accordées au secteur des produits pétroliers à la suite de la hausse des cours du baril de pétrole après l’éclatement de la guerre en Ukraine, et que les autorités ivoiriennes se sont engagées sinon à supprimer, du moins à réduire considérablement. Plus de 1,1 milliard d’euros avaient été consacrés à ce type de subventions entre mars 2022 et février 2023, selon les chiffres du gouvernement.
Également visées, les aides à l’importation de blé (10 milliards de F CFA, soit 15,26 millions d’euros, sur la même période), et les exonérations accordées à plusieurs opérateurs ivoiriens du secteur du cacao, dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial. À raison de 27 et 30 F CFA par kg, la facture des subventions grimpe vite, d’autant que le pays a produit plus de 2,4 millions de tonnes pour la campagne 2021-2022.
Le gouvernement prévoit néanmoins un mécanisme de compensation, car il estime qu’un arrêt brutal de ces aides institutionnalisées pourrait pénaliser la population. Cela se ferait sous la forme de transferts monétaires ciblés afin de « permettre aux opérateurs de ne pas répercuter l’arrêt des subventions sur les prix ».
LA PRESSION FISCALE EN CÔTE D’IVOIRE EST ESTIMÉE À 13 %, CONTRE 20 % EN MOYENNE DANS LES PAYS ÉMERGENTS
Cette première série de mesures doit permettre au pays, dont le déficit budgétaire a dépassé les 5 % pendant la pandémie du Covid-19, de repasser avant 2026 sous la barre fatidique des 3 % – la norme communautaire dans l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Uemoa). En attendant, le risque du surendettement du pays apparaît modéré. En revanche, la question des liquidités reste tendue, notamment du fait du trop faible ratio entre le service de la dette (58,1 % du PIB) et les recettes intérieures (15,8 % du PIB). « La pression fiscale en Côte d’Ivoire est estimée à 13 %, contre 20 % en moyenne dans les pays émergents », précise Kadima Kalonji, selon lequel Yamoussoukro s’était engagé à augmenter ses recettes fiscales afin d’atteindre 16 %.
« Pas un programme pour créer l’austérité »
Pour atteindre cet objectif, le gouvernement compte privilégier, plutôt qu’une hausse d’impôt, l’élargissement de l’assiette fiscale et une réforme de la TVA, et améliorer le suivi de l’impôt foncier, jusqu’ici peu exploité. La digitalisation des services de collecte de ressources intérieures doit aussi permettre de minimiser les déperditions.
Pour autant, il ne s’agit « pas d’un programme du FMI pour créer l’austérité », assure une source au sein du Fonds, selon laquelle il s’agit là de démarches « initiées par le gouvernement et que [l’institution] accompagne ».
Autre promesse; s’attaquer à la corruption, qui fait perdre à l’État ivoirien 1 300 milliards de F CFA par an, soit 4 % du PIB, selon des estimations du ministère ivoirien de la Promotion de la bonne gouvernance et de la Lutte contre la corruption.
Eurobond en perspective
Le premier versement, portant sur 495,4 millions de dollars, doit intervenir dès le 26 mai – les fonds seront utilisés pour boucler le budget 2023. En revanche, les dates des prochains décaissements ne sont pas encore connues : tout dépendra des avancées du programme, précise le FMI.
Pour le gouvernement ivoirien, cet accord à 3,5 milliards de dollars n’est qu’un premier pas. Les autorités réfléchissent ainsi à lancer un eurobond de 1,2 milliard d’euros en 2024, dès la réouverture des marchés internationaux de capitaux aux pays d’Afrique subsaharienne.