Laurant Gbagbo l’ancien président s’est exprimé vendredi 31 Mras 2023 devant une foule de partisans réunis à Yopougon. Il s’agit de son premier grand meeting depuis son retour à Abidjan en 2021 et le lancement de son parti, le PPA-CI.
Deux ans jour pour jour après la confirmation de son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI) à l’issue de son procès pour crimes contre l’humanité lors des violences postélectorales en 2010 et 2011, Laurent Gbagbo s’est adressé ce vendredi 31 mars à une foule de partisans réunis sur la place Ficgayo à Yopougon.
Cette fête de la renaissance , organisée dans cette immense commune de l’ouest d’Abidjan considérée comme l’un de ses fiefs , a été l’occasion pour Laurant Gbagbo de tenir son premier grand meeting depuis son retour à Abidjan, en juin 2021, et la création de son parti, le Parti des Peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI). Affaibli par ses années de détention, il s’était jusque-là montré discret sur la scène politique, limitant ses interventions et sorties publiques. L’attente a été très longue pour les nombreux militants présents, dont certains étaient arrivés la veille de l’intérieur du pays. C’est finalement aux alentours de 18h30 heure de la Côte d’ ivoire que Laurent Gbagbo, accompagné sur scène par sa compagne Nady Bamba, a pris la parole, debout, sans note.
L’ancien président de 77 ans est surtout revenu sur la procédure intentée contre lui devant la CPI, prenant le temps de détailler chaque étape, de son arrestation à son acquittement définitif,
journée où « l’innocence de l’innocent a été reconnue », a-t-il dit. « Je n’ai aucun cadavre dans mon placard. Quand la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a lu les chefs d’inculpation contre moi, j’ai su que j’allais être libéré. Je ne savais pas quand, mais il n’y avait aucun fait réel dans ce qu’elle disait », a poursuivi Laurant Gbagbo sous les applaudissements, évoquant une intervention « des États européens » dans le dossier.
« Si la Côte d’Ivoire veut être une nation de paix, de justice et de vérité, je conseille à notre cher pays de continuer à rechercher les coupables », a lancé Laurent Gbagbo, insistant sur la nécessité « que l’on trouve la vérité pour qu’il n’y ait pas de soupçons sur personne », citant pêle-mêle « le commando invisible », « les autres rebelles », « l’armée française » et « l’ONU ».
Pas un mot en revanche sur le contexte politique actuel et les élections locales et municipales et régionales à venir en septembre. Il s’agira pourtant du premier véritable test électoral pour le PPA-CI, parti « panafricaniste » et visant à réunir la gauche, fondée après une âpre bataille judiciaire au sein du Front populaire ivoirien (FPI), finalement laissé à Pascal Affi N’Guessan.
La formation politique n’a pas encore officialisé la liste de ses candidats. Cependant, Michel Gbagbo, fils de l’ancien président, est fortement pressenti pour tenter de reprendre « Yop », cette commune dont il est député et qui est dirigée depuis dix ans par la majorité. Stéphane Kipré, le premier vice-président exécutif du PPA-CI, chargé de son implantation dans le pays, ex gendre de Gbagbo, devrait quant à lui briguer la région du Haut Sassandra.
Depuis le retour en Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo, les relations avec le président Alassane Ouattara semblaient s’être normalisées. Les deux hommes se sont rencontrés à plusieurs reprises, les comptes de l’ancien président ont été débloqués et le PPA-CI a fait son entrée au sein de la Commission électorale indépendante (CEI).
Par ailleurs, en août passé, Alassane Ouattara avait annoncé sa décision d’accorder la grâce présidentielle à son prédécesseur condamné à vingt ans de prison dans le cadre de l’affaire du casse de la BCEAO. Un geste jugé cependant insuffisant par certains proches de Gbagbo, qui auraient préféré une « loi d’amnistie » pour effacer la peine, et qui est source d’une certaine amertume.
Derrière cette relative accalmie, de très fortes tensions sont apparues ces dernières semaines entre le gouvernement et le PPA-CI. Au cœur de cette crispation inédite, dans un environnement politique toujours fragile, la condamnation à deux ans de prison ferme, le jeudi 9 mars 2023, des 26 militants pro Gbagbo pour « troubles à l’ordre public ».
Ces derniers s’étaient rassemblés en soutien à Damana Pickass, le secrétaire général du parti, convoqué devant un juge d’instruction pour son rôle présumé dans l’attaque d’un camp militaire à Abobo qui avait fait trois morts et un blessé en 2021. Il a été inculpé pour « atteinte à la sûreté de l’État, participation à des activités de terrorisme, blanchiment d’argent et détention d’armes ».
Le PPA-CI avait dénoncé « une provocation injustifiée du gouvernement ivoirien à l’égard du parti ». Condamnés à deux ans de prison en première instance, ils avaient vu leur peine allégée à deux ans de prison avec sursis en appel, le mercredi 22 mars 2023.