Joe Biden a présenté jeudi un projet de budget qui a peu de chances d’être adopté au Congrès, mais avec des allures de programme de campagne pour 2024. Pour financer ce budget social, le démocrate veut relever le taux d’imposition des entreprises à 28%, contre 21% aujourd’hui et introduire un impôt minimum de 25% pour les milliardaires, soit les 0,01% d’Américains les plus riches.
Financer un régime d’assurance-santé bénéficiant aux Américains de plus de 65 ans
Déjà mis en place dans le cadre du grand plan climat et contre l’inflation (IRA), le budget prévoit de pérenniser le mécanisme de crédit d’impôt permettant de réduire en moyenne annuelle de 800 dollars les frais d’assurance santé des Américains. Il prévoit également la mise en place d’un système proche du « Obamacare » pour les résidents des Etats ne l’ayant pas encore adopté.
Autre mesure prévue, le renforcement de Medicare, le régime d’assurance-santé bénéficiant aux Américains de plus de 65 ans, en assurant son financement « pour au minimum 25 ans sans réduire les avantages » pour les bénéficiaires.
Enfin l’administration Biden veut poursuivre l’effort visant à réduire les coûts de prescription des médicaments via diverses mesures, notamment : permettre aux Etats de négocier ensemble les prix des médicaments, accorder une plus grande place aux génériques pour les maladies chroniques ou encore plafonner le prix de l’insuline.
Le président a également joué sur la corde sensible de la sécurité pour tenter de séduire l’électorat républicain : « mon budget prévoit des investissements solides dans notre armée et notre défense. Voyons ce que proposent les Républicains MAGA », nom donné à ceux réputés proches de Donald Trump.
Un impot minimum de 25% pour les milliardaires, soit les 0,01% d’Américains les plus riches
Pour financer ces mesures, le président américain veut relever le taux d’imposition des entreprises à 28%, contre 21% aujourd’hui, et 35% avant que Donald Trump ne l’abaisse en 2017. Autre source supplémentaire de revenus envisagée par le démocrate, l’introduction d’un impôt minimum de 25% pour les milliardaires, soit les 0,01% d’Américains les plus riches.
La fiscalité sur les revenus du capital est également renforcée, avec un quadruplement de la taxe appliquée aux rachats d’actions. Enfin, la tranche d’impôt sur le revenu à 40% au-delà de 400.000 dollars annuels, supprimée par Donald Trump, est rétablie.
Autre volonté présidentielle : une réduction de 3.000 milliards de dollars sur 10 ans du déficit fédéral. Parmi les mesures envisagées, le budget prévoit de couper dans les dépenses dites « inutiles », en particulier celles en faveur des industries pharmaceutique et pétrolière. Côté énergies fossiles, cela passera par une suppression progressive des subventions fédérales en faveur du gaz et du pétrole ainsi que des taux d’imposition spécifiques au secteur.
Les « riches » régulièrement visés par Joe Biden
« Nous devons demander aux plus riches et aux plus grandes entreprises de commencer à payer leur juste part », a-t-il martelé. Il avait déjà pu le dire en avril 2021 devant le congrès : « Il est temps que les entreprises américaines et que les 1% d’Américains les plus riches commencent à payer leur juste part ». En octobre 2021 bis repetita, l’administration démocrate visait « les personnes détenant plus d’un milliard de dollars d’actifs ou dégageant plus de 100 millions de dollars de revenus sur trois ans » avec l’idée de créer un nouvel impôt sur les plus-values latentes.
Plus récemment, en février dernier, Joe Biden s’en était pris aux pétroliers qui ont annoncé les uns après les autres en début d’année des superprofits : « la seule chose qui empêche les grandes compagnies pétrolières d’augmenter leur production est leur décision de verser des milliards aux actionnaires au lieu de réinvestir les bénéfices ». Et d’ajouter : « je fais ma part pour faire baisser les prix, il est temps que Big Oil fasse la sienne. »
Des mesures qui n’ont aucune chance ou presque de passer la barrière du Congrès
Les mesures les plus fortes de son projet n’ont toutefois aucune chance ou presque de passer la barrière du Congrès, car, depuis le début de l’année, les démocrates ne contrôlent plus que le Sénat, l’autre chambre, celle des représentants, étant désormais dominée par les républicains. Le président républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, a qualifié ce budget de « proposition imprudente qui reproduit les mêmes politiques de dépenses d’extrême gauche qui ont conduit à une inflation record et à notre crise actuelle de la dette ». Les républicains sont bien décidés à ne laisser passer aucune hausse d’impôt. « Si les républicains MAGA au Congrès essaient d’abroger la loi (…), je ne les laisserai pas faire », a promis le président.
Le poids de la dette devient un fardeau pour Joe Biden
Cette présentation de budget intervient sur fond de bras de fer sur un autre sujet financier, autrement plus urgent: le « relèvement du plafond de la dette ». Les Etats-Unis, seule puissance industrialisée dans ce cas, doivent régulièrement augmenter, via un vote du Congrès, la capacité d’endettement du gouvernement. Or ce vote, qui a longtemps été une formalité, est de plus en plus politisé.
Kevin McCarthy, assure que ses troupes ne voteront pas pour relever le plafond de la dette tant que Joe Biden ne bridera pas la dépense publique. Le président, lui, refuse jusqu’ici de négocier, faisant valoir que la dette accumulée au cours des ans par le pays est une responsabilité partagée. « Il a fallu 200 ans pour accumuler cette dette. (…) Et d’ailleurs, le président Trump, quand il était président, a augmenté la dette nationale de 25%, en quatre ans seulement », a souligné Joe Biden, qui assure pouvoir réduire le déficit de près de 3.000 milliards sur 10 ans. L’enjeu n’est pas mince : si le bras de fer se prolonge trop, les Etats-Unis seraient sous la menace d’un défaut de paiement, du jamais-vu, à partir de juillet.
(Avec AFP)