Condamné par la cour d’appel de Paris à une peine de trois ans de prison dont deux avec sursis – avec obligation de porter un bracelet électronique _ dans l’affaire dite « Bismuth », l’ex-président de la République a annoncé se pourvoir en cassation. Son horizon judiciaire apparaît toutefois particulièrement chargé.
La décision de la cour d’appel est tomber le 17 Mai 2023, l’ancien chef d’Etat vient d’être condamné à une peine de trois ans de prison dont deux avec sursis – la partie ferme pouvant être effectué sous bracelet électronique – pour corruption active de magistrat et trafic d’influence dans l’affaire dite « Bismuth ».
Sale semaine pour Nicolas Sarkozy
Jeudi 11 mai, on apprenait la décision du parquet national financier (PNF) de requérir son renvoi devant le tribunal correctionnel, en compagnie de douze autres personnes, dont ses anciens ministres Claude Guéant, Brice Hortefeux et Eric Woerth, dans l’affaire des supposés financements libyens de la campagne présidentielle de 2007. Le mercredi 17 mai, il devient donc le premier ex-président de la République condamné en appel dans une affaire de corruption. Condamné en 2011 à deux ans de prison dans l’affaire des emplois fictifs, Jacques Chirac, alors affaibli par la maladie, n’avait pas assisté à son procès ni fait appel. « Madame la présidente, j’irai jusqu’au bout. Je me battrai jusqu’à mon dernier souffle. Non pas parce que je suis le plus fort ou le plus intelligent. Mais parce que je suis innocent », avait annoncé Nicolas Sarkozy lors de la dernière audience de son procès en appel en décembre dernier. Le combat n’est donc pas terminé. Mais cette fois, le puncheur apparaît cependant amoché.
Dans sa décision, la cour d’appel de Paris a en effet décidé d’aller au-delà des réquisitions du parquet, lequel avait demandé trois ans de prison avec sursis à l’encontre de l’ancien président. Elle est également allée au-delà de la condamnation prononcée en première instance par le tribunal correctionnel, en ajoutant une peine complémentaire de privation de droits civiques (droit de vote, éligibilité, droit d’exercer une fonction juridictionnelle ou d’être expert devant une juridiction…). Une peine infamante pour un ancien chef de l’Etat.
Certes, le pourvoi en cassation est suspensif, la présidente de la cour d’appel Sophie Clément n’ayant pas ordonné l’exécution provisoire de sa décision. Nicolas Sarkozy dispose donc d’un répit avant d’éventuellement se présenter devant le juge d’application des peines (JAP) pour discuter des modalités de son placement sous bracelet électronique et de ses horaires de sortie de son domicile.
Des conversations « explicites »
Dans cette affaire, dont les faits remontent à janvier et février 2014, il est reproché à Nicolas Sarkozy et à son avocat historique, Thierry Herzog, d’avoir cherché à obtenir des informations privilégiées et à influer sur le cours d’une décision de la Cour de Cassation dans l’affaire Bettencourt, en s’appuyant sur Gilbert Azibert, alors en poste au sein de la plus haute juridiction française. En contrepartie, le duo lui aurait promis d’œuvrer pour le faire nommer à Monaco.
Figure du barreau, Me Thierry Herzog, s’est vu infliger la même condamnation que son ancien client, assortie pour sa part d’une interdiction d’exercer de trois ans. Dans la salle d’audience, de nombreux avocats étaient venus le soutenir. Lui aussi a annoncé son intention de se pourvoir en cassation, assurant se rendre en sortant du palais « à son cabinet pour poursuivre son activité ». L’ancien haut magistrat Gilbert Azibert a été condamné lui aussi à trois ans de prison dont deux avec sursis. Dénonçant une décision relevant plus « de l’ordre de la morale que du droit », son avocate Marie-Alix Canu-Bernard a également annoncé se pouvoir en cassation.
Dans ce dossier, l’essentiel des soupçons repose sur des écoutes téléphoniques entre Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog. Depuis l’origine, leurs défenseurs les estiment illégales car portant atteinte, selon eux, au secret des échanges entre un avocat et son client. Dans sa décision, la cour d’appel a toutefois considéré qu’il n’y avait pas lieu d’écarter ces interceptions téléphoniques, leur légalité ayant déjà été tranchée par la Cour de Cassation lors de la procédure et « la valeur et la portée des chacune des conversations » ayant fait l’objet d’un débat contradictoire lors des audiences en appel. Au cours de celles-ci, ces échanges, dont le langage peut s’avérer parfois fleuri à l’endroit des magistrats, avaient pour la première fois été diffusés publiquement.
Selon la cour, contrairement aux dires de la défense qui évoquait de simples « bavardages » inconséquents, ces conversations sont « explicites ».
« Elles s’enchaînent logiquement. Elles ne sont pas décousues, elles se suivent. Elles sont dans une chronologie. Elles se calent sur la procédure judiciaire Bettencourt. Les échanges entre Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog sont toujours précédés d’échanges entre Thierry Herzog et Gilbert Azibert », considère Sophie Clément, la présidente de la cour d’appel.
Pour la juridiction, les faits reprochés sont
« d’autant plus [graves] qu’ils ont été commis par un ancien président de la République, garant de l’autorité judiciaire ». « Certes, les actes entrepris n’ont pas eu la réussite escomptée », mais « cette affaire n’en demeure pas moins d’une gravité certaine en termes d’atteintes à nos institutions et à la confiance publique », a estimé la cour, dispensant une leçon de morale à l’ex-président.
Son horizon judiciaire semble s’assombrir
Après cette décision, l’horizon judiciaire de Nicolas Sarkozy semble s’assombrir encore davantage. En novembre prochain, il sera rejugé en appel pour l’affaire « Bygmalion » dans laquelle il avait été condamné à un an de prison ferme pour financement illégal de campagne.
D’ici là, la juge d’instruction chargée de l’enquête sur le supposé financement libyen aura certainement rendu son ordonnance concernant le renvoi ou non de Nicolas Sarkozy devant le tribunal correctionnel. Selon le réquisitoire du PNF, les faits reprochés à l’ancien leader de la droite dans ce dossier sont étayés
« de manière non exhaustive, par un ensemble de témoignages convergents d’anciens dignitaires libyens sur le fait que Nicolas Sarkozy (…) a sollicité de Mouammar Kadhafi un soutien financier occulte à la campagne pour l’élection présidentielle de 2007 ». « L’information judiciaire a mis en évidence l’existence de contreparties à la fois diplomatiques, économiques et judiciaires, indique le réquisitoire du parquet financier, mais également des flux financiers atypiques et troubles en provenance de Libye via, en particulier, Ziad Takieddine (…), ayant abouti in fine à des décaisses d’espèces dans une temporalité et une chronologie compatible avec un usage occulte lors de la campagne électorale de 2007. »Ce que l’intéressé conteste vivement.
D’ici là, Nicolas Sarkozy aura peut-être également été entendu dans le cadre de l’information judiciaire ouverte voici deux ans sur de possibles faits de subornation de témoin en lien avec la rétractation, dans « Paris Match », de l’intermédiaire Ziad Takkiedine de ses accusations visant l’ancien président de la République dans l’affaire libyenne.