Pour la Fête du Travail, rebaptisée « Fête de la Nation », le RN a fustigé le chef de l’Etat isolé qui, à défaut d’avoir réussi à mettre la France « en marche », aurait réussi à la mettre « en panne ».
Une France ingouvernable et plongée dans le « chaos » par la faute « d’un seul contre tous » : seule et sans micro en main, au milieu de la scène carrée installée au centre du Carré des Docks du Havre, Marine Le Pen a, comme à son habitude, lâché ses coups contre Emmanuel Macron. A défaut d’avoir réussi à mettre la France « en marche », le chef de l’Etat, qui serait pour la frontiste « la cause de nos maux », aurait surtout réussi à la mettre « en panne ».
Face à ce désordre, Marine Le Pen promet qu’avec elle, « la paix sociale » son nouveau mantra sera de retour. « C’est le préalable à la cohésion (…) et le contrat que nous voulons passer avec le pays », dit-elle.
Venue passer son 1er Mai en Normandie sur les terres d’Edouard Philippe, Marine Le Pen a passé le plus clair de son temps à surfer sur le rejet d’Emmanuel Macron, dont l’impopularité atteint ces dernières semaines des records. Autour d’elle, pour cette Fête du Travail rebaptisée « Fête de la Nation », des dizaines de tables décorées de petits drapeaux et des parts de terrine de canard dans les assiettes. Entre les orateurs (les députés Laurent Jacobelli, Edwige Diaz et le vice-président de l’Assemblée nationale Sébastien Chenu), un groupe de « baloche » aligne les tubes de variété. Quant aux députés les plus médiatiques, à l’instar de Jean-Philippe Tanguy, ils déambulent entre les sympathisants pour des selfies.
Jeanne d’Arc, figure tutélaire du parti d’extrême droite n’a, en revanche, pas été conviée : la pucelle d’Orléans, brûlée vive, non loin de là, sur la place du Vieux Marché à Rouen en 1412, n’a plus les faveurs de la nouvelle direction frontiste. Oubliées les parades martiales de la rue de Rivoli, la petite bergère n’aura droit qu’à un dépôt de gerbe, en catimini, sur la route du retour vers Paris en fin de journée. Mais les fondamentaux n’ont pas tous été abandonnés et au micro, Marine Le Pen les enchaîne :
« les Français ont la sensation d’être livrés aux prédateurs, ceux d’en haut et ceux d’en bas, à une oligarchie et à une voyoucratie. Enonçant les thèmes habituels de l’extrême droite, la leader frontiste déplore ainsi l’impression de n’être plus chez nous quand des quartiers entiers, des villes mêmes, deviennent des enclaves étrangères, avant de dénoncer les orties de l’écologie punitive ou encore, c’est l’obsession frontiste du moment, le poison insidieux du « wokisme », cette idéologie de la culpabilisation occidentale, de l’orchestration d’un ressentiment général, de la négation de nos repères, de nos valeur. C’est finalement la théorisation de la haine de tous contre tous chère à Emmanuel Macron, la guerre de chacun contre chacun. Lorsqu’il croit que l’usure peut être une stratégie, il se trompe. Lorsqu’il croit que ce n’est qu’un mauvais moment à passer, il se trompe. C’est un rejet de sa personne. C’est un rejet de son projet. »
En privé, Marine Le Pen confirmera également, à ceux qui en douteraient encore, qu’il faudra bien compter sur elle en 2027 : « Il faut que vous compreniez une chose : je suis candidate tant que je n’ai pas décidé de ne pas l’être, vous voyez ? ».
Au Havre, en élève appliqué, Jordan Bardella fait tout comme sa patronne.
« L’homme du chaos et du désordre, il est à l’Élysée et il s’appelle Emmanuel Macron ! Un an, tout juste, après sa réélection, ce début de mandat a des allures de fin de règne, tonne le jeune président du RN. Après s’être offert la une du quotidien régional « Paris Normandie », il justifie aussi avoir choisi Le Havre pour sa « connotation ouvrière et industrielle » : « Nous sommes au Havre chez nous ! », affirma-t-il ce week-end dans la presse locale, clamant même son intention d’y installer un maire RN dès 2026 et ce malgré le score piteux de 2020, à peine 7,3 %. »
Mais rien ne l’arrête :
« Prenez un instant pour imaginer ce qu’il nous sera possible de faire. Imaginez ce que sera la France lorsque nous serons demain à la tête du pays », énonce l’eurodéputé. Une France « fière où les Français ne subiraient plus la repentance permanente, où ils auraient le droit d’aimer leur pays, le droit de le montrer et, surtout, le droit de le revendiquer ! ». Une « France sûre, où l’ordre serait rétabli dans nos rues sur chaque mètre carré du territoire (…) fraternelle, où aucun Français ne serait laissé de côté ». Alors, « nous pourrions alors enfin goûter à la paix civile ; à la paix fiscale ; à la paix sociale, le tout garanti par un Etat respecté. »
Toute la journée, on aura vu un RN triomphant mais pas téméraire : devant la salle où se tenait son « banquet patriote », sous bonne garde policière, le parti d’extrême droite avait quand même fait installer un groupe électrogène supplémentaire, au cas où la CGT se rappelle à son bon souvenir… « Précaution nécessaire », reconnaissait on autour de Marine Le Pen, alors que les organisations syndicales continuent de maintenir le RN à distance du mouvement social contre les retraites. Un RN aussi, « tellement chez lui », que des gaz lacrymogènes ont dû être utilisés par les forces de l’ordre pour disperser des contremanifestants, présents aux abords du Carré des Docks, seulement quelques minutes avant le début de la fiesta frontiste.