Impact sur la croissance, coût budgétaire, effet sur les salaires, etc. Dans une série d’études publiées le mardi 9 novembre 2021 par le Conseil d’analyse économique, organisme placé auprès de Matignon, plusieurs universitaires font le point sur les véritables retombées économiques de l’immigration.
L’immigration est toujours un débat dans la société française même lors des élections présidentielle, législatives et municipales. Pourtant, rares sont les travaux sérieux sur les effets économiques de l’immigration. Aurélien Pradié et Pierre-Henri Dumont estiment qu’il faut mettre fin à l’immigration familiale subie pour passer à une immigration de travail choisie et surqualifiée. Les députés LR proposent pour cela un référendum d’initiative partagée. Elisabeth Borne appelait vendredi 5 Mai à un « dialogue apaisé » entre la France et l’Italie au lendemain des propos du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur l’incapacité de Rome à gérer l’immigration, des déclarations qui ont déclenché une nouvelle crise entre les deux pays. le Conseil d’analyse économique (CAE) avait combler ce vide avec une série d’études signées par les meilleurs connaisseurs du sujet. Et tord le cou à nombre de fantasmes et idées reçues.
L’immigration est relativement faible en France
En 2019, le flux d’immigrés s’est élevé à 292.00 personnes selon l’OCDE, soit 0,4% de la population française. C’est nettement moins que la moyenne des flux dans les autres pays riches et européens qui atteint 0,85%. De même, la population immigrée en France représente près de 12,8% de la population totale, soit 8,4 millions de personnes, contre 13,6% aux Etats-Unis, 13,7% au Royaume-Uni, 16,1% en Allemagne, 19,5% en Suède et 21% en Suisse. Les travailleurs des autres pays européens ne se bousculent pas non plus pour venir dans l’Hexagone. Ils représentent 30% des entrées, contre plus de 60% en Allemagne, en Irlande ou au Luxembourg.
L’immigration n’est pas assez diversifiée et qualifiée
« L’immigration de travail et notamment de travail qualifié reste marginale dans notre pays », déplorent les économistes Emmanuelle Auriol et Hillel Rapoport. Le temps paraît loin où la France attirait des scientifiques, intellectuels, artistes, etc. Depuis les années 1990, l’immigration est « a minima » et centrée sur l’immigration familiale et humanitaire. Résultat, entre 2000 et 2010, les travailleurs immigrés ne contribuaient qu’à hauteur de 3,5% à l’accroissement du nombre de travailleurs hautement qualifiés en France, contre 10% au Royaume-Uni et 7% aux Etats-Unis ou en Suède. Et notre pays, 6ème puissance économique mondiale, n’arrive qu’en 19ème position dans le classement de l’Insead des pays pour attirer et retenir des talents étrangers.
L’immigration n’a pas d’effet mécanique sur les salaires
Contrairement à une autre idée reçue, l’impact des travailleurs immigrés sur les salaires de la population n’est pas mécanique. Selon des études sur les Etats-Unis, le doublement du nombre d’immigrés baisserait les salaires de 3% en moyenne et de 5% pour les moins qualifiés. Mais des études sur la France ont conclu à des effets inverses avec une hausse des salaires et de l’emploi grâce à un déplacement des travailleurs natifs vers des jobs mieux payés et des zones plus dynamiques. « Entre 1990 et 2010, l’immigration n’a eu aucun effet sur les salaires des natifs français, écrivent les économistes. Les salaires sont en moyenne indépendants du taux de pénétration des immigrés. »
L’immigration favorise la croissance économique
« Dans le débat public, les immigrés sont souvent présentés comme un fardeau pour nos économies », déplore le Conseil d’analyse économique. Pourtant, dans la littérature scientifique, il y a « un consensus sur le fait que les immigrés, en augmentant la force de travail ainsi que sa diversité, contribuent positivement à l’économie américaine ». Les économistes relèvent en particulier que les immigrés créent plus d’entreprises et sont plus souvent à l’origine d’innovation. Aux Etats-Unis, les immigrés représentent ainsi 26% des entrepreneurs, contre seulement 13% de la population totale. Quelque 44% des nouvelles entreprises high-tech de la Silicon Valley comptent au moins un immigré parmi leurs fondateurs. De nombreuses études ont aussi montré que la présence d’immigrés facilitent les exportations vers leurs pays d’origine.
L’immigration est utile contre la pénurie de main d’œuvre
Les pénuries de main d’œuvre constatées actuellement dans de nombreux secteurs ont sans doute un lien avec l’effondrement de l’immigration liée à la crise sanitaire. C’est ce que suggèrent les économistes en relevant que « les secteurs qui faisaient le plus appel aux travailleurs immigrés en 2018 sont ceux qui aujourd’hui déclarent manquer de main d’œuvre, en particulier le bâtiment et l’hôtellerie restauration ». Déjà, en 2008, l’assouplissement des conditions de recrutement de travailleurs étrangers avaient permis de combler les manques de main d’œuvre dans certains secteurs. En augmentant l’offre de services à la personne (garde d’enfant, ménage, etc.), l’immigration non qualifiée est aussi favorable à la croissance en facilitant le travail des femmes non immigrées, notent les économistes.
L’immigration ne creuse pas le déficit de la France
Les effets de l’immigration sur les comptes publics des pays riches varient entre +0,5% du PIB et -0,5% du PIB, d’après différents travaux. « Les études centrées sur les pays de l’OCDE indiquent que l’immigration ne creuse pas les déficits publics, notent les économistes Emmanuelle Auriol et Hillel Rapoport. Les études récentes sur la France arrivent aux mêmes conclusions. Ceci s’explique par le fait que la population immigrée française, bien que surreprésentée parmi les chômeurs et les bénéficiaires de certaines aides sociales, se concentre dans les tranches d’âge actives qui ont en moyenne une contribution nette positive au budget de l’Etat.