À l’initiative d’Emmanuel Macron, le sommet Nord Sud qui s’est tenu à Paris du 22 au 23 juin apparu comme une étape essentielle pour poser le cadre d’un nouveau modèle financier mondial, orienté vers l’adaptation aux changements climatiques en tenant compte de la situation économique des pays les plus fragiles. « Les pays du Nord ont une dette climat vis-à-vis des pays du Sud ».
Une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que de nombreux représentants des institutions financières mondiales ont été réunis pour deux jours, à partir de jeudi 22 Juin jusqu’à vendredi 23 Juin, à Paris, pour un sommet international Nord Sud. Voulu par Emmanuel Macron, ce grand rassemblement doit poser les bases d’un nouveau pacte financier mondial qui permette de répondre aux besoins de développement des pays émergeants, tout en les soutenant face aux défis liés à la crise climatique. L’idée de ce sommet a germé lors de la COP27 en Egypte, qui s’est tenue en novembre dernier, une conférence au bilan plutôt contrasté tant l’écart entre les pays riches et les moins avancés n’a jamais paru aussi important.
Ces dernières années une succession de crises d’impact mondial, notamment la pandémie de covid-19 et la guerre en Ukraine, sont venues saper les efforts des uns et des autres et ont montré l’immense fragilité de certaines économies confrontées à des ensembles complexes de crises interdépendantes : économique, sociale, sanitaire et climatique. « Jamais aucun décideur, aucun pays ne doit avoir à choisir entre la réduction de la pauvreté et la protection de la planète », a déclaré Emmanuel Macron en ouverture de ce sommet, appelant à « assumer un choc de financement public ». Il s’agit de faire valoir les bases d’une nouvelle architecture financière mondiale – l’initiative de « Bridgetown », portée par la Barbade – au sein de laquelle le rôle des banques de développement serait renforcé et les obligations des pays pauvres envers leurs créanciers redéfinies en fonction, par exemple, des aléas climatiques.
Interrogé, François Gemenne, spécialiste de la gouvernance du climat et des migrations, directeur de l’Observatoire Hugo à l’université de Liège et enseignant à Sciences Po, détailles les enjeux autour de ce sommet.
Qu’est-ce que ce sommet Nord Sud, et quels sont ses objectifs ?
« Il s’agit d’une sorte de sommet intermédiaire avant la prochaine conférence sur les changements climatiques, qui se tiendra à Dubaï en fin d’année, un peu sur le même modèle que le One Planet Summit que la France avait organisée en 2017. On a vu, lors de la dernière COP à Charm–el–Cheikh, qu’il y avait un gros souci de financement de la transition écologique dans les pays du Sud. Par ailleurs, l’accord arraché sur les pertes et dommages, c’est-à-dire le principe d’un fonds pour soutenir les pays les plus touchés par le réchauffement climatique, ne s’est pas vraiment concrétisé. Ce sommet Nord Sud s’inscrit dans un long processus itératif, l’idée c’est de rapprocher les points de vue pour préparer de nouvelles avancées.
Quel rôle tient la France dans l’organisation de ce sommet ? On a le sentiment qu’Emmanuel Macron cherche à être identifié, sur la scène internationale, comme l’un des principaux chefs d’orchestre d’une transition écologique globale. La France a-t-elle un vrai rôle de leadership à endosser ou, au contraire, faut-il plutôt y voir une forme de posture ?
Emmanuel Macron, depuis le fameux slogan « Make our planet great again » lancé en 2017 en réponse à Donald Trump qui venait d’annoncer la sortie des Etats-Unis de l’accord de Paris, cherche en effet à affirmer un leadership français sur les questions écologiques globales. Cela peut paraître un peu surprenant vu de France, mais dans les négociations internationales, le président français est bien perçu comme un leader écolo…
On parle beaucoup de « l’initiative de Bridgetown », défendue par Mia Mottley, la première ministre de l’île de la Barbade, qui est devenue la principale avocate des pays du Sud pour un nouvel ordre financier mondial. De quoi s’agit-il ?
On a des pays du Sud qui sont très endettés vis-à-vis des pays du Nord. Mais les pays du Nord ont aussi une dette climat vis-à-vis des pays du Sud dans la mesure où ce sont leurs émissions qui sont largement responsables du réchauffement climatique. L’objectif de l’initiative de Bridgetown est de retrouver de nouveaux mécanismes de financement. En gros, il s’agit d’adapter le système financier mondial à la question climatique, notamment en restructurant les dettes publiques ou en réorientant les capitaux privés. Cette initiative a reçu le soutien d’Emmanuel Macron mais aussi de Joe Biden, le président américain, ce qui envoie un bon signal.
Pour la première fois, l’indice de développement humain, un indicateur crée dans les années 1990, a reculé en 2020 et 2021. L’ONU alerte sur une situation « inédite ». Peut-on dire que les dernières crises, notamment la pandémie de covid-19 et plus récemment l’impact économique de la guerre en Ukraine, ont mis un coup d’arrêt au recul de la pauvreté dans les pays en développement ?
Oui, c’est certain. J’ajouterais la multiplication de crises politiques, notamment en Afrique subsaharienne. La crise actuelle au Soudan efface des années de progrès en matière de développement, par exemple. Et le changement climatique risque de faire régresser considérablement plusieurs pays sur l’échelle du développement.
Au-delà de la dimension financière, ce sommet a-t-il aussi un objectif diplomatique ? On a vu les pays du « Sud global » afficher une certaine neutralité face à la situation ukrainienne, et même pour certains se montrer plutôt critique vis -à-vis des Occidentaux ?
Il est possible que ce sommet ait aussi une portée diplomatique, mais cela reste difficile à dire à ce stade. Ce qui est certain, c’est que la plupart des pays africains se sont plutôt rangés du côté de la Russie dans ce conflit, en s’abstenant lors du vote des résolutions de l’ONU qui ont condamné l’agression en Ukraine, voire même en votant contre. Très clairement, l’Occident n’a pas bonne presse en Afrique – notamment parce que les promesses de financement de la transition écologique n’ont pas été tenues.
On imagine la possibilité d’un accord de principe à l’issue de ce sommet, mais peut-on aussi s’attendre à quelques annonces plus concrètes ? On parle beaucoup, par exemple, d’une taxe internationale sur les émissions carbone du transport maritime.
Il y aura sans doute, a minima, une déclaration commune. Mais on n’est pas à l’abri d’une bonne surprise – on pourrait en effet imaginer que certains secteurs, qui ont jusqu’ici échappé à toute taxation internationale, soient désormais visés. »