Élections à haut risque pour le dirigeant grec, Kyriakos Mitsotakis, au pouvoir depuis 2019, espère l’emporter dimanche 21 mai face à son rival de gauche, l’ancien Premier ministre Alexis Tsipras. Le dirigeant conservateur est crédité par les instituts de sondages d’une légère avance, et ces élections législatives s’annoncent très serrées, trois mois après la catastrophe ferroviaire qui a fait 57 morts et qui a profondément traumatisé le pays.
C’est l’objectif affiché par Kyriakos Mitsotakis : obtenir un résultat suffisamment large ce dimanche pour contrôler le Parlement et continuer à gouverner seul. Le Premier ministre conservateur, âgé de 55 ans, met en avant le retour de la croissance, l’envolée du tourisme et la baisse du chômage. Un bilan économique qui se veut flatteur – un peu trop sans doute aux yeux des électeurs qui dénoncent l’inflation, la faiblesse des salaires et surtout le délabrement des services publics.
« Nos vies ne vont pas changer ». Dans une Grèce appelée aux urnes dimanche, nombre d’électeurs apparaissent sans illusion devant des responsables politiques incapables, selon eux, de soulager leurs difficultés économiques depuis les années du marasme financier.
« A en juger par les conversations, les gens sont déçus » par la gauche et la droite, assure Vassilis Kalyvas, 55 ans, propriétaire d’un magasin d’optique à Patras, le grand port de la péninsule du Péloponnèse.
C’est dans cette ville, la troisième du pays, que le dirigeant de la gauche radicale SYRIZA et ancien Premier ministre (2015-2019), Aléxis Tsípras, tient ce soir-là un ultime rassemblement de campagne avant les élections législatives de dimanche.
Vers un nouveau scrutin ?
Délabrement tragiquement illustré par la catastrophe ferroviaire de Tempé, en février dernier, qui a suscité la colère de la population grecque. Face à Mistotakis, l’ancien Premier ministre de gauche Alexis Tsipras qui espère capitaliser sur cette colère pour revenir au pouvoir.
Les sondages donnent les conservateurs en tête des intentions de vote, mais pour l’opposition, ces chiffres ne sont pas fiables, rapporte notre correspondant à Athènes, Joël Bronner. Syriza, le premier parti d’opposition, est régulièrement donné 5 à 7 points derrière le parti conservateur Nouvelle Démocratie. Le parti de gauche veut donc croire que ces estimations ne reflètent pas la réalité du vote grec. En début de semaine, dans un discours à Thessalonique – la deuxième ville du pays – Alexis Tsipras a donc appelé les jeunes, en particulier, à se rendre massivement aux urnes pour, justement, faire mentir des sondages, qu’il appelle à ne pas écouter.
Pour l’ancien Premier ministre, il s’agit en partie d’une stratégie visant à ne pas démobiliser son électorat, en affirmant que la victoire est toujours possible, malgré donc, des sondages qui prédisent l’inverse. Qu’il s’agisse en tout cas de surprises électorales en Grèce en 2015 ou, plus récemment, du président de la Turquie voisine qui a donné tort aux sondages, Alexis Tsipras a trouvé de quoi nourrir son discours de défiance vis-à-vis des chiffres.
Les estimations sont attendues au cours de la soirée et les résultats définitifs devraient être connus d’ici à lundi matin. Une fois connus les résultats de cette élection qui se déroule à la proportionnelle, le parti arrivé en tête aura – sauf cas peu probable d’une majorité absolue – la possibilité de former une coalition pour gouverner. S’il n’y parvient pas, le parti arrivé en seconde position se verra alors proposer la même possibilité, etc. Si aucune coalition n’émerge, un second scrutin sera alors organisé en juillet. Les règles du jeu seraient alors différentes, le parti arrivé en tête recevrait une prime de cinquante sièges au Parlement, ce qui devrait lui permettre de gouverner plus facilement, sans l’aide, a priori, d’une coalition.
« Déçu par les partis au pouvoir »
A des centaines de kilomètres de là, dans la deuxième ville du pays, Thessalonique, Nikos Kalaitzidis, pompiste dans une station-service, ne cache pas lui non plus sa résignation.
« Je suis déçu par les partis au pouvoir », lâche cet homme de 32 ans.
« Je n’espère rien de cette élection. Quel que soit le vainqueur, nos vies ne changeront pas le lendemain » du scrutin.
En campagne, le chef du gouvernement sortant et leader de Nouvelle Démocratie (ND) n’a cessé de mettre en avant son bilan économique : retour de la croissance (5,9% en 2022), envolée du tourisme et baisse du chômage après les années de crise et de plans de sauvetage au prix de lourds sacrifices pour de nombreux Grecs.
Mais la hausse du coût de la vie et l’envol des prix de l’énergie figurent en tête des préoccupations d’électeurs éprouvés par une inflation qui a frôlé les 10% en 2022.
A Patras, le propriétaire d’une taverne, Kyriakos Bazaroglou, 50 ans, fait ses comptes.
« En 2019 un gyros me coûtait 45 cents (à fabriquer) et maintenant il coûte 1,70 euro. Je ne peux pas le vendre 4 euros » aux clients, détaille-t-il.
« Le coût de la vie est ma plus grande préoccupation », souligne-t-il.
Une forte abstention ?
Avec un taux d’abstention déjà massif de 42% lors des élections de 2019, les analystes ont averti que le nombre d’électeurs boudant les urnes pourrait être encore plus élevé cette fois-ci.
Chrysa Papadimitriou, une chômeuse de 43 ans, constate d’ailleurs « de l’indifférence » chez la plupart des électeurs, peu intéressés par une campagne que beaucoup d’observateurs jugent atone.
« Vous n’entendez plus de discussions politiques comme par le passé et la plupart des gens évitent de parler ouvertement de celui pour qui ils vont voter », assure-t-elle.
A Athènes, Stavroula, 31 ans, qui ne souhaite pas donner son nom de famille, a quant à elle décidé que dimanche, elle n’effectuerait pas le voyage dans sa ville natale du Péloponnèse pour voter.
« A quoi ça sert ? Les politiciens nous amadouent avec des promesses qu’ils ne tiendront pas ».