Le projet de loi immigration, débattu dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale à compter de ce lundi 11 décembre 2023, prévoit de régulariser les travailleurs sans-papiers dans certains métiers en tension, sous conditions. Comment seront déterminées les activités concernées par cette mesure ?
C’est l’une des dispositions emblématiques du projet de loi immigration. Supprimée par le Sénat, rétablie en commission à l’Assemblée nationale dans une version de « compromis », la régularisation des travailleurs clandestins dans les métiers en tension sera examinée dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale dans les jours qui viennent.
Actuellement, cette mesure figure à l’article 4 bis du texte. Pour résumer, un étranger ayant exercé une activité salariée dans une profession en tension durant au moins 8 mois au cours des deux dernières années et pouvant justifier d’une résidence ininterrompue sur le territoire au cours des 3 dernières années pourra se voir octroyer une carte de séjour temporaire d’un an.
Article 4 bis A (nouveau)
L’article L. 554‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers est ainsi rédigé :
« Art. L. 554‑1. – L’accès au marché du travail peut être autorisé :
« 1° Au demandeur d’asile lorsque l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, pour des raisons qui ne sont pas imputables au demandeur, n’a pas statué sur la demande d’asile dans un délai de six mois à compter de l’introduction de la demande ;
« 2° Lorsque le demandeur d’asile fait l’objet d’une décision de transfert en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et que cette décision n’a pas été exécutée dans le délai de six mois à compter de sa notification, à l’exception des cas d’emprisonnement ou de fuite prévus à l’article 29 paragraphe 2 du même règlement, et en tout état de cause, dans un délai de neuf mois à compter de l’enregistrement de sa demande. »
Article 4 bis
I. – Le chapitre V du titre III du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 435‑4 ainsi rédigé :
« Art. L. 435‑4. – L’étranger qui a exercé une activité professionnelle salariée, y compris dans le cadre d’un contrat d’apprentissage, figurant dans la liste, établie à l’échelon départemental, des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement définie à l’article L. 414‑13 durant au moins huit mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois, qui occupe un emploi relevant de ces métiers et zones et qui justifie d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention “travailleur temporaire” ou “salarié” d’une durée d’un an, sauf si le représentant de l’État s’y oppose pour les motifs prévus aux articles L. 412‑5, L. 412‑6, L. 412‑8 , L. 412‑9, L. 432‑1 ou pour des motifs liés au non-respect des conditions réglementaires requises pour l’examen des titres de séjour.
« La délivrance de cette carte entraîne celle de l’autorisation de travail mentionnée à l’article L. 5221‑2 du code du travail, matérialisée par ladite carte.
« L’article L. 412‑1 n’est pas applicable à la délivrance de cette carte.
« Les périodes de séjour et l’activité professionnelle salariée exercée sous couvert des documents de séjour mentionnés aux articles L. 421‑34, L. 422‑1 et L. 521‑7 ne sont pas prises en compte pour l’obtention d’une carte de séjour temporaire.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – (Supprimé)
III. – Le présent article est applicable jusqu’au 31 décembre 2028. Il reste applicable aux titulaires de la carte de séjour mentionnée au I délivrée avant le 31 décembre 2028 jusqu’à l’expiration de ce titre.
Le préfet pourra s’opposer à cette demande, notamment si le travailleur représente une menace à l’ordre public ou contrevient aux principes républicains. L’article supprime également le lien de subordination de l’employeur dans le processus, alors qu’il joue actuellement un rôle essentiel dans la demande d’un travailleur. Le dispositif est censé s’appliquer jusqu’à la fin de l’année 2028. Des ajustements pourraient toutefois encore intervenir en séance, afin de porter la durée d’activité requise d’un travailleur à 12 mois, ou de ramener la date butoir à 2027.
LES MÉTIERS EN TENSION DIFFÈRENT SELON LES ZONES
Mais que cache cette appellation de « métiers en tension » ? À l’heure actuelle, le répertoire de ces professions est défini conjointement par les ministères de l’Intérieur et du Travail, au niveau national. Les métiers en tension sont ensuite différenciés selon les régions, en fonction des besoins définis par l’administration centrale. La dernière actualisation date de 2021.
Sans surprise, on retrouve des professions très demandées, comme les couvreurs, les conducteurs routiers, les maçons, les chaudronniers, serruriers et autres forgerons, ainsi que divers postes de techniciens – électricité, mécanique… – les agents d’entretiens et ouvriers, les carrossiers ou encore les bouchers. De manière moins attendue la liste intègre aussi des postes de chercheurs, d’ingénieurs du bâtiment, ou même des cadres de banque (dans les Hauts-de-France).