À l’heure où la Tunisie et la Libye annoncent un accord pour reprendre en charge les migrants abandonnés dans le désert à la frontière entre leurs deux pays, le bilan des morts suite à ces abandons est désormais d’au moins 27 morts, estime Tripoli. Le Comité des droits de l’homme libyen évoque même un décompte de 35 morts.
Le bilan des personnes migrantes décédées dans le désert de la zone frontalière entre la Tunisie et la Libye s’élèverait à 27 morts, selon des chiffres communiqués mardi 8 août 2023 par les autorités libyennes.
Le ministère libyen de l’Intérieur a rendu ce décompte public dans un communiqué sur Facebook, indiquant qu’une équipe médico-légale avait été déployée « dans la zone frontalière libyenne tunisienne (Al-Assah) » pour un travail d’identification des corps, « sous la supervision du Procureur général ». Les derniers corps découverts font, selon l’Intérieur, grimper le bilan à 27 personnes décédées depuis le début des expulsions vers le désert par les autorités tunisiennes, en juillet 2023.
Le porte-parole du gouvernement libyen Mohamed Hamouda, interrogé par l’agence Associated Press (AP) sur ce décompte, a confirmé la découverte de nouveaux corps ; mais en refusant de fournir plus de détails.
Le Comité des droits de l’homme libyen évoque 35 morts
Ahmed Hamza, chef du Comité des droits de l’homme libyen, a pour sa part confirmé à l’AP que des corps avaient été retrouvés par les gardes-frontières libyens dans la journée du mardi.
Selon lui, le bilan est encore plus élevé : au moins 35 corps auraient été récupérés à la frontière tuniso-libyenne depuis le début des expulsions de migrants en juillet, rapporte AP. Tout début août, avait établi un décompte d’au moins 25 morts depuis le commencement des expulsions vers le désert. Ce décompte incluait alors les derniers cadavres retrouvés le 2 août par les garde-frontières libyens : deux, en état de décomposition, avaient été découverts dans la soirée, un autre dans la journée.
Trois jours plus tôt, le 31 juillet, les autorités libyennes avaient déjà récupéré deux migrants décédés. Les jours précédents, entre le 24 et le 29 juillet, 18 autres migrants ont été retrouvés morts, selon le ministère de l’Intérieur et l’armée libyenne.
Accord tuniso-libyen : « plus aucun migrant » dans la zone
Un accord de prise en charge des migrants abandonnés dans le désert vient d’être annoncé, ce jeudi 10 août, par la Libye et la Tunisie.
Dans un communiqué, le ministère libyen a annoncé qu’il n’y avait déjà « plus aucun migrant irrégulier dans la zone frontalière ». « Des patrouilles sont organisés en coordination » entre les deux pays pour « sécuriser la frontière ».
« La Tunisie va prendre en charge un groupe de 76 hommes, 42 femmes et 8 enfants », a précisé à l’AFP le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Faker Bouzghaya. Les Libyens prendront en charge le reste des migrants bloqués, environ 150, selon le porte-parole officiel tunisien.
« Nous avons reçu de l’eau et de la nourriture. Nous allons bien, les enfants vont déjà mieux. Les malades n’ont pas encore été à l’hôpital, ils sont avec nous », a confirmé Kelvin, un migrant nigérian. Ce dernier a été rapatrié mercredi 9 août au soir à Tatatouine, dans un centre de l’OIM.
Kelvin venait de passer près d’un mois dans le désert, après avoir été raflé début juillet à Sfax par les autorités tunisiennes, avec près de 150 personnes. Les arrestations et les envois de migrants vers la zone frontalière désertique entre la Tunisie et la Libye ont en effet débuté après la mort, le 3 juillet à Sfax, d’un Tunisien lors d’une rixe avec des migrants.
Selon des sources humanitaires interrogées, « au moins 2 000 ressortissants subsahariens » ont ainsi été « expulsés » par les forces de sécurité tunisiennes vers les zones désertiques aux frontières libyenne et algérienne.
Là encore, les chiffres varient quelque peu selon les sources. Le Comité des droits de l’homme libyen recense, pour sa part, 750 immigrés expulsés de force de Tunisie vers la Libye depuis juillet.
Le gouvernement tunisien maintient, lui, un démenti constant autour des expulsions. « Ce qui a été publié par certaines organisations internationales et surtout la déclaration du porte-parole de l’ONU est caractérisé par des imprécisions, voire des contrevérités », a même réfuté le ministre Kamel Feki auprès de l’agence locale Tap, le 3 août.