A une semaine de l’examen du projet de loi immigration, aucun accord n’est en vue entre la majorité sénatoriale et le gouvernement. Le point d’achoppement porte toujours sur l’article 3 et la régularisation des sans-papiers dans les métiers en tension.
L’examen du projet de loi immigration démarre au Sénat le 6 novembre 2023 et il pourrait bien ne pas être adopté. « A ce stade, il n’y a aucun accord avec le gouvernement. On est bien parti pour ne pas adopter le texte », confirme, fataliste, le président (LR) de la commission des lois du Sénat, François Noël Buffet.
Le déjeuner de travail organisé, la semaine dernière, à Beauvau par le ministre de l’Intérieur avec les élus de la commission des lois, n’a rien donné. Aucun terrain d’entente n’a été trouvé sur l’article 3 qui permet à un étranger qui travaille durant au moins huit mois dans un secteur en tension comme le bâtiment, la restauration, l’agriculture, de se voir délivrer « de plein droit » une carte de séjour temporaire. Pour LR, la mesure n’a rien à faire dans la loi et doit passer par une circulaire, au risque de créer « un appel d’air ». Le règlement viendrait modifier la circulaire Valls de 2012 qui ne permet actuellement les régularisations dans les métiers en tension que si la demande est conjointe de la part de l’employeur et du salarié.
« Ce que je veux, c’est le moins possible de régularisations »
Or, Gérald Darmanin a expliqué aux sénateurs qu’un règlement qui viendrait modifier la circulaire Valls, devait avoir une accroche législative sous peine de créer un droit opposable à la régularisation.
« C’est une filouterie. C’est l’inverse », conteste le président du groupe LR, Bruno Retailleau. « Ce que je veux, c’est le moins possible de régularisation. Ce que je veux, c’est que le fait de travailler ne donne pas droit à régularisation car vous pouvez avoir des islamistes qui travaillent. Je veux que le préfet puisse, par la voie réglementaire (constater) qu’il ou elle, est intégrable, respecte les valeurs de la République. Mais arrêtons d’ouvrir des brèches pour une immigration clandestine. Si demain, la France envoie le message que par la fraude, on peut obtenir des régularisations, on ne tiendra plus nos frontières », estime-t-il.
Sans leurs alliés centristes avec qui ils composent la majorité, les Républicains n’auront pas les voix suffisantes pour supprimer l’article 3 en séance. Or, le groupe de 56 sénateurs présidé par Hervé Marseille se rapproche du gouvernement sur ce point, et maintient sa position en faveur d’une référence législative à la régularisation. « Il faut arrêter avec toutes ces palinodies […] ça devient n’importe quoi », s’est agacé la semaine dernière Hervé Marseille, interrogé sur l’intransigeance des sénateurs Les Républicains au sujet de l’article 3. A gauche, écologistes et communistes ont déposé, chacun, une motion de rejet du texte. Les socialistes ont demandé un renvoi en commission estimant que depuis le mois de mars dernier, date de l’adoption du texte en commission des lois, les mesures nouvelles annoncées par le gouvernement n’ont pas fait l’objet d’un examen plein et entier.
« Je veux que les Français tranchent et que la souveraineté populaire puisse s’exprimer »
Selon un sondage Odoxa pour Public Sénat et la presse quotidienne régionale, une majorité de Français (55 %) soutient l’article 3 du projet de loi. « J’aimerais que ce ne soit pas un sondage mais que ce soit un référendum. Je veux que les Français tranchent et que la souveraineté populaire puisse s’exprimer y compris sur des interprétations des Cours suprêmes », répond Bruno Retailleau. Une référence à sa proposition de loi constitutionnelle sur l’immigration examinée à la Haute assemblée, le 12 décembre. Un texte qui permet aux Français de se prononcer par référendum sur « les questions relatives à l’entrée et au séjour des étrangers en France ainsi que le droit de la nationalité », et lorsqu’il est question de souveraineté nationale, de déroger au droit européen et international. Un point qui n’est, là non plus, pas du goût des centristes.