En 1993, l’Assemblée générale des Nations unies proclamait le 3 mai Journée mondiale de la liberté de la presse, suivant une recommandation de l’UNESCO de novembre 1991. Pour ses 30 ans, un événement s’est organisé au siège de l’ONU à New York le 3 Mai 2023.
La liberté d’expression en tant que moteur de tous les droits de l’homme
Le 3 Mai 2023, nous avons célébrés le 30e anniversaire de la Journée mondiale de la liberté de la presse. Depuis sa proclamation en 1993, nous avons assisté à trois décennies de progrès substantiels vers une presse libre et la liberté d’expression dans le monde entier. La prolifération des médias indépendants dans de nombreux pays et l’essor des technologies numériques ont permis la libre circulation de l’information. Cependant, la liberté des médias, la sécurité des journalistes et la liberté d’expression sont de plus en plus attaquées, ce qui a un impact sur la réalisation d’autres droits humains.
La communauté internationale est confrontée à de multiples crises : conflits et violences, inégalités socio-économiques persistantes à l’origine des migrations, crises environnementales et défis pour la santé et le bien-être des populations du monde entier. Dans le même temps, la désinformation et la désinformation se propagent à la fois en ligne et hors ligne, avec de graves répercussions sur les institutions qui sous-tendent la démocratie, l’État de droit et les droits de l’homme.
C’est précisément pour contrer ces situations critiques et ces menaces que la liberté de la presse, la sécurité des journalistes et l’accès à l’information doivent être au centre. Consacré à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le droit à la liberté d’expression est une condition préalable et le moteur de la jouissance de tous les autres droits de l’homme.
La célébration du 30e anniversaire de la Journée mondiale de la liberté de la presse de cette année a été donc un appel à placer la liberté de la presse, ainsi que des médias indépendants, pluralistes et diversifiés, au centre en tant que facteur clé de la jouissance de tous les autres droits de l’homme.
Historique et objectifs
Le 3 mai a été proclamé Journée mondiale de la liberté de la presse en 1993, par l’Assemblée générale des Nations Unies, à la suite de la recommandation de la Conférence générale de l’UNESCO. La date a été choisie pour coïncider avec l’anniversaire de la Déclaration de Windhoek, au cours de laquelle des représentants des médias africains participant à un séminaire organisé par l’UNESCO dans la capitale namibienne ont produit un document énonçant les principes de la liberté de la presse.
Après 30 ans, le lien historique établi entre la liberté de rechercher, de communiquer et de recevoir des informations et le bien public reste aussi pertinent qu’au moment de sa signature. Aux termes de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la liberté d’expression est un droit fondamental:
« Toute personne a droit à la liberté d’opinion et d’expression; Ce droit comprend la liberté d’avoir des opinions sans ingérence, de rechercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, des informations et des idées par quelque moyen d’expression que ce soit.
Dans cette optique, la Journée mondiale de la liberté de la presse est l’occasion de rappeler aux gouvernements la nécessité de respecter la liberté d’expression et de sensibiliser aux questions de liberté de la presse et d’éthique professionnelle. Il sert également à :
- Célébrez les principes fondamentaux de la liberté de la presse.
- Évaluer la situation de la liberté de la presse dans le monde.
- Défendre les médias contre les attaques contre leur indépendance.
- Rendez hommage aux journalistes qui ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions. »
Propagande, répression, insécurité… La liberté de la presse à la peine en Afrique, quel place occupe les pays africains
« Quels sont les gouvernements africains les plus répressifs envers les journalistes ? Que risquent ces derniers lorsqu’il sont dans le viseur de la justice ? Et comment le droit de la presse a-t-il évolué ? État des lieux en infographies. »
C’est un constat amer que la dernière livraison en date du rapport de Reporter Sans Frontières est venu confirmer, le mercredi 3 mai. La liberté de la presse recule partout dans le monde. Et en particulier en Afrique, sous les effets cumulés de la multiplication des fake news, de l’insécurité qui prévaut dans plusieurs régions et d’une tendance de certains gouvernements à confondre autorité et répression : 84 journalistes et collaborateurs de médias sont actuellement derrière les barreaux sur le continent. Quelles sont les peines encourues par les journalistes qui franchiraient la ligne rouge tracée par les autorités des pays où ils travaillent ? Comment les législations ont-elles évolué ? Quel a été l’impact, sur le droit de la presse, de la révolution digitale ?
La place du Cameroun dans le baromètre
Doté d’un paysage médiatique parmi les plus riches du continent, le Cameroun n’en est pas moins l’un des pays les plus dangereux d’Afrique pour les journalistes. Les professionnels de l’information y évoluent dans un environnement hostile et précaire. Le journaliste de renom Martinez Zogo a été enlevé et assassiné début 2023.
Paysage médiatique
Malgré le nombre important de médias (plus de 600 journaux, environ 200 radios et plus de 60 chaînes de télévision), la production d’une information indépendante et critique reste un parcours du combattant au Cameroun. Les titres les plus emblématiques du pays sont Le Messager, Le Jour, La Nouvelle Expression, La Voix du Centre, et le quotidien public Cameroon Tribune. Les radios et télévisions privées sont très nombreuses : Equinoxe (radio et TV), Balafon (radio et TV), Canal 2 International, Siantou et Royal FM sont les plus connues. La radiotélévision publique CRTV demeure un média d’État au service de la communication du régime de Paul Biya, au pouvoir depuis plus de 40 ans.
Contexte politique
Il est impossible d’adopter une ligne éditoriale critique et indépendante sans faire face à d’importantes menaces et pressions lorsque les intérêts du pouvoir et de ses représentants sont en jeu. Le chef d’État domine toutes les instances, et ce climat alimente l’autocensure et entraîne l’alignement de la plupart des médias sur les positions des autorités ou de certaines personnalités qui leur sont proches. Le président de la République nomme, par décret, tous les responsables des médias gouvernementaux et tous les membres du Conseil national de la communication (CNC), l’organe de régulation des médias.
Cadre légal
Les différentes lois, dont celle régissant la liberté de la presse datant de 1990, sont largement contournées pour être mises au service de la répression du journalisme. La dépénalisation des délits de presse n’est pas encore à l’ordre du jour, et l’accès à l’information, de même que la protection des sources, ne sont pas garantis dans les faits. Il est fréquent que des professionnels des médias soient traduits devant des tribunaux d’exception, à l’instar de l’ex-directeur général de la CRTV, condamné à 12 ans de prison ferme et à verser une lourde amende pour “détournement de fonds publics”, après presque sept ans de détention préventive – qualifiée d’arbitraire par l’ONU. La loi antiterroriste de 2014 et un tribunal militaire avaient été utilisés en 2015 pour maintenir en prison le correspondant de RFI pendant deux ans et demi.
Contexte économique
Les journalistes camerounais, notamment les journalistes de médias privés, travaillent dans des conditions de précarité extrême, nuisant considérablement à leur indépendance. L’aide à la presse existe, mais son montant est jugé insuffisant et sa distribution dépend de l’alignement des médias sur les positions défendues par le régime. Des proches du pouvoir peuvent également créer des médias de toutes pièces pour affaiblir économiquement un autre titre critique devenu gênant. La corruption et le favoritisme sont monnaie courante.
Contexte socioculturel
Les médias fondés sur des critères ethniques ou religieux sont de plus en plus nombreux, ce qui contribue à la polarisation du débat public et encourage des prises de position relevant de l’exclusion ou de la stigmatisation. Les contraintes culturelles poussent souvent à la censure ou à l’autocensure, notamment dans les zones marquées par les traditions culturelles.
Sécurité
Le danger est permanent pour les journalistes camerounais, notamment pour ceux adoptant une ligne critique ou indépendante. Les journalistes sont régulièrement exposés aux attaques verbales et physiques, aux arrestations et détentions arbitraires, aux procédures-bâillons, aux enlèvements et aux risques d’assassinat. En janvier 2023, le journaliste Martinez Zogo a été retrouvé mort, le corps gravement mutilé, cinq jours après son enlèvement. C’est le second assassinat de journaliste, après Samuel Wazizi en 2019, en trois ans au Cameroun. En mars 2022, le journaliste Paul Chouta avait été enlevé puis agressé par des individus non identifiés. Nombre de journalistes connus font l’objet d’une surveillance. Le degré d’impunité pour les auteurs d’actes de violence envers les journalistes reste très fort. Les journalistes des régions anglophones sont régulièrement accusés d’être complices du mouvement sécessionniste qui s’oppose depuis plusieurs années au pouvoir central de Yaoundé.