Les forces spéciales italiennes sont intervenues vendredi sur un navire de commerce turc au large de Naples. Ils ont arrêté 15 exilés cachés dans la cale du bateau. Les premiers éléments de l’enquête contredisent la version initiale des autorités, selon laquelle ces personnes auraient tenté de séquestrer l’équipage pour détourner le cargo.
Ils étaient 15 exilés, originaires d’Iran, d’Irak et de Syrie, cachés dans les entrailles d’un navire, dans l’espoir de rejoindre l’Europe. Vendredi 9 juin, au large de Naples, les forces spéciales italiennes ont débarqué en hélicoptère sur le cargo turc pour les arrêter, après que le commandant a signalé leur présence,
Le Galata Seaways est un cargo de fret naviguant sous pavillon turc qui transportait des voitures depuis le port de Topçular, près d’Istanbul, à destination de Sète, dans le sud de la France.
Vendredi dans la matinée, des membres de l’équipage ont aperçu deux exilés équipés de couteaux, avant de découvrir les 13 autres, cachés. Le commandant du navire a aussitôt alerté les autorités turques, qui ont à leur tour effectué un signalement auprès de leurs homologues italiens. Les forces spéciales italiennes sont alors intervenues pour arrêter les exilés, avant de rediriger le navire vers le port de Naples.
Parmi ces 15 exilés se trouvaient 13 hommes, dont deux mineurs, et deux femmes, toutes deux enceintes. Après leur débarquement à Naples, elles ont été conduites à l’hôpital, ainsi qu’un homme souffrant d’hypothermie et un autre avec une fracture à la cheville.
Le soir même, sur Twitter, le ministre italien de la Défense, Guido Crosetto, par ailleurs co-fondateur du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia, s’est félicité de l’action des agents qui ont permis de « capturer » ceux qu’ils désignent comme des « pirates ». Dans une prise de parole publique, il s’est réjoui de l’opération des forces spéciales « qui ont repris le contrôle d’un navire turc saisi par des clandestins armés ».
L’enquête contredit le récit du ministre
Pourtant, pas de violences ni de kidnapping, encore moins de détournement ou de piraterie. Les premiers éléments de l’enquête menée par le parquet de Naples après l’audition des exilés et des membres de l’équipage infirment les déclarations du ministre, selon le média italien Open.
Leurs témoignages auprès de la police italienne concordent. Ils étaient dissimulés dans l’un des camions que transportait le navire et ont fait usage d’un objet coupant pour percer la bâche afin de prendre l’air. Les images des caméras de surveillance sur le bateau confirment leurs propos.
À bord, les soldats italiens les ont retrouvés dans un conteneur stationné dans la cale du navire, d’après les informations rapportées par Open. L’un d’eux affirme que les exilés n’ont opposé aucune résistance et se sont montrés « coopératifs ». Les procureurs excluent donc l’hypothèse d’un détournement, rapporte La Repubblica.
Pointé du doigt par certains médias italiens en raison de son récit erroné, le ministre de la Défense a riposté sur Twitter et publié une note interne à son ministère pour tenter de prouver le détournement. On peut néanmoins lire à la fin de ce document que l’arrestation des exilés cachés sur le bateau « n’a, à aucun moment, nécessité l’emploi de la force ».
L’enquête se poursuivait lundi. Trois des personnes arrêtées sont visées pour détention d’armes, après que deux couteaux et un cutter ont été saisis sur le bateau. Le parquet de Naples a également ouvert une enquête pour association de malfaiteurs visant à l’immigration irrégulière, pour comprendre comment ces personnes avaient pu embarquer clandestinement à bord du navire de commerce, en Turquie.
Emprunter des transports de marchandises peut s’avérer être une solution très dangereuse pour les exilés. En février dernier, sept personnes avaient ainsi retrouvées dans un camion frigorifique en Seine-Maritime, après qu’elles ont alerté l’association de soutien aux exilés Utopia 56. Elles avaient ensuite affirmé ne pas être consciente d’avoir pris place dans un camion frigorifique.