Le 16 mars dernier, l’Union européenne (UE) présentait son Critical Materials Act. Consciente que la réouverture des mines en Europe ne suffira pas à réussir sa transition décarbonée, et bousculée par son sevrage de gaz russe, l’UE prévoit dans son texte des partenariats variés visant à réduire les dépendances actuelles de l’UE à l’égard d’un seul ou de quelques pays.
En 2035, les ventes de véhicules thermiques ne seront plus autorisées sur le continent, au profit des véhicules électriques. Qui représentent une demande gigantesque en métaux. Côté américain, le président Joe Biden a également réservé aux véhicules électriques une place de choix dans son Inflation Reduction Act. Malgré des relations toujours tièdes, le département d’État a signé avec la RDC, en décembre 2022, un accord de partenariat dévolu aux batteries. Le plus grand producteur de cobalt au monde, la Zambie, plus grand producteur de cuivre du continent.
Pendant ce temps, la Chine poursuit ses investissements miniers en Afrique, les banques étant moins soucieuses de la volatilité des cours des métaux ou de l’instabilité politique de certains pays. Cet état de fait n’est pas nouveau. Entre 2005 et 2017, la Chine a investi 58 milliards de dollars dans les secteurs minier et énergétique en Afrique subsaharienne, selon l’Institut sud-africain des affaires internationales (SAIIA). L’intérêt pour le lithium africain, l’un des composants essentiels des batteries électriques s’inscrit donc dans la continuité logique de la stratégie de Pékin. Ainsi, les besoins en lithium dans le monde devraient être multipliés par 57 d’ici à 2050, selon les données de la Commission européenne. Si l’accent est mis sur les accords commerciaux en Amérique latine, les partenariats stratégiques avec des pays disposant d’importantes réserves le sont tout autant. Et l’Afrique en fait bien partie.
Les derniers projets de lithium se situent autour de la localité d’Uis, dans la région d’Erongo en Namibie, autrefois affectée à l’étain. L’activité minière est aujourd’hui relancée dans ce contexte de boom de la demande en lithium. Le géant chinois Huyaou Cobalt a ainsi investi en mars 2,5 millions de dollars australiens dans le projet d’Askari Metals, un minier basé en Australie. Le pays est déjà le plus grand producteur mondial de lithium, devant le Chili.
Huyaou a ainsi effectué un investissement stratégique et doit fournir des informations et des conseils techniques sur les paramètres de conception des campagnes d’exploration de la société et sur les techniques de traitement du lithium en aval. Le même mois, Huyaou Cobalt annonçait la mise en production expérimentale de sa mine de lithium d’Arcadia, située dans le nord-est du Zimbabwe. En 2022, l’entreprise avait acquis la mine pour 422 millions de dollars américains auprès de la société australienne Prospect Resources,.
L’entreprise chinoise avait également annoncé un investissement de 300 millions de dollars, notamment pour construire une usine de traitement sur le site, d’une capacité de 4,5 millions de tonnes de minerai et de 400 000 t de concentré de lithium par an.
D’autres miniers sont également présents en Namibie pour son lithium, comme l’australien Arcadia Minerals dans la région de Hardap au sud de l’Erongo ou encore Andrada Mining, une compagnie sud-africaine qui devrait finaliser en juin la construction de son installation pilote, également située à Uis. Le chinois Xinfeng Investments, également présent dans l’Erongo, a en outre été autorisé en novembre 2022 par le gouvernement namibien à exporter en Chine 55 000 t de minerais de lithium, après avoir été inquiété dans une affaire de corruption, selon la presse locale.
D’autres projets chinois sont en cours. Au Mali, l’australien Firefinch et Jiangxi Ganfeng Lithium avaient annoncé en mars 2022 la création d’une coentreprise pour extraire du lithium sur le site de Goulamina. Le groupe chinois a ainsi engagé un financement de 194 millions de dollars.
En RDC également, la Gécamines compte exploiter les opportunités ouvertes par le lithium, ayant amorcé une campagne d’exploration. L’activité de la mine de Manono, située dans la province du Tanganyika, dans le sud-est du pays, et renfermant selon les estimations 400 millions de t de minerais, est, elle, pour l’instant suspendue. L’australien AVZ Minerals détenant 75 % du projet et le chinois Zijin Mining sont empêtrés depuis des mois dans un conflit juridique, après que l’entreprise publique congolaise, la Cominière, a cédé 15 % à ce dernier, sur ses 25 % détenus dans le projet. Une procédure d’arbitrage est en cours devant la Chambre de commerce internationale de Paris.
L’Europe et les États-Unis semblent pour l’heure bien absents, malgré leurs velléités de renouer des relations commerciales dans le secteur minier en Afrique. Le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, visitait justement fin janvier le site d’Uis, l’une des plus grandes mines potentielles de lithium au monde » indiquait-il dans un tweet, prônant la construction de « partenariats solides, d’égal à égal.
Amos Hochstein, le coordinateur spécial des États-Unis pour les affaires énergétiques internationales, était également en Afrique du Sud en février, lors du Mining Indaba, appelant lui aussi à un réel partenariat gagnant-gagnant sur le continent. Le président Emmanuel Macron n’a pas manqué lui non plus, lors de sa visite en RDC, de nouer des accords commerciaux variés, et le Bureau national des ressources géologiques et minières (BRGM) avait conclu à cette occasion un partenariat afin de participer à l’exploration du sous-sol congolais.
Mais la domination chinoise ne se résume pas uniquement au secteur minier africain. Un autre défi de taille réside dans le raffinage de ces matières premières : la Chine détient environ 35 % des capacités pour le nickel, de 50 à 70 % pour le lithium et le cobalt, et près de 90 % pour les terres rares, selon l’Agence internationale de l’énergie (IEA). Le Critical Materials Act présenté par la Commission européenne prévoit un objectif de transformation locale qui permettrait de produire au moins 40 % de la consommation annuelle de l’UE d’ici à 2030, soit dans à peine sept ans. Reste à savoir si ce pari pourra être gagné.