Selon plusieurs associations libyennes, des milliers de migrants détenus dans des entrepôts de trafiquants ont été « libérés » par les autorités libyennes de l’est. Ils ont ensuite été parqués dans un hangar, dans la ville frontalière de Musaid, à quelques kilomètres de l’Égypte. Les conditions y sont « difficiles et inhumaines ».
Selon des associations libyennes d’aide aux migrants, les autorités libyennes ont libéré début juin, des milliers de migrants détenus dans des entrepôts de trafiquants d’êtres humains… avant de les entasser dans un hangar à la frontière égyptienne.
Près de 6 000 exilés, dont de nombreux Égyptiens, ont ainsi été « libérés » au cours de deux raids lancés dans la ville de Musaid, et d’autres localités de l’est.
Des vidéos relayées sur le compte Facebook de l’association Al-Abreen montrent des milliers de personnes marchant dans le désert après les assauts libyens. Souvent dissimulés dans des entrepôts vides ou des usines désaffectées, ces lieux de détention informels utilisés par les trafiquants sont de véritables zones de non-droit où les conditions de vie des migrants sont indignes.
Mais après leur « libération », les exilés ont été emmenés dans une autre forme de prison : un immense hangar à la frontière égyptienne où ils sont actuellement parqués dans des conditions de vie « difficiles et inhumaines », selon Al-Abreen.
La situation est « tragique », pour les exilés, souligne Esreiwa Salah, une militante associative. « La zone n’est pas équipée pour un tel accueil ».
L’association demande la « libération immédiate » des milliers de migrants – des Syriens, des Soudanais, des Pakistanais et des Bengalis – entassés à Musaid illégalement. Certains sont détenteurs de titres de séjour libyens ou sont en procédure d’asile, affirme l’association. Ils étaient notamment venus « via l’aéroport de Benina à Benghazi », peut-on lire sur le compte Facebook d’Al-Abreen.
Dans le même temps, selon l’agence de presse AP, les expulsions ont déjà commencé. De « nombreux migrants » ont été renvoyés vers l’Égypte vendredi 2 juin. L’information a été confirmée par Mahdi el-Omda, un ancien législateur égyptien qui a négocié la « libération » des migrants avec les autorités libyennes à Musaid.
Cinq trafiquants arrêtés
La direction de la sécurité de Benghazi, qui supervise les forces de police, a confirmé les raids à Musaid mais n’a pas donné plus de détails. Elle a également déclaré avoir arrêté cinq trafiquants sur un bateau à destination de l’Europe.
Ces opérations menées dans l’est de la Libye interviennent alors que le gouvernement libyen basé à Tripoli a récemment annoncé la poursuite d’une opération visant des réseaux de trafiquants dans l’ouest du pays.
La Libye est un important point de transit pour les migrants d’Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient qui tentent de se rendre en Europe. Le pays a plongé dans le chaos à la suite d’un soulèvement qui a renversé et tué l’autocrate Mouammar Kadhafi en 2011.
Le pays, riche en pétrole, est divisé entre les autorités de deux gouvernements rivaux : à l’ouest, le gouvernement libyen de Tripoli, reconnu par la communauté internationale, et à l’est le Parlement de Tobrouk, sous l’autorité du maréchal Khalifa Haftar.
Les trafiquants d’êtres humains ont profité de ce chaos politique pour prospérer. Des passeurs font actuellement passer des migrants, depuis l’est, vers l’Europe, sur des gros bateaux de pêche. Ces embarcations surpeuplées doivent parcourir plus de 1 000 km avant d’atteindre les côtes italiennes.
En février et mars 2021, des raids avaient déjà été menés à l’ouest du pays dans des prisons clandestines, notamment à Kufra et à Bani Walid. Mais dans ces deux cas, les migrants avaient été emmenés dans des centres de détention officiels, tenus par les autorités libyennes et répertoriés auprès des organisations internationales.