Considéré comme la nouvelle frontière de l’exploration depuis les découvertes de TotalEnergies et Shell en 2022, l’offshore namibien est devenu l’objet de toutes les convoitises. L’Afrique du Sud peine désormais à exister dans l’ombre de ce géant en devenir.
Les prochains mois seront chargés pour Total Energies en Namibie. La major est toujours en plein forage de son puits d’évaluation Venus-1A (PEL 56), dont la cible devrait être atteinte dans les prochains jours. La plateforme Tungsten Explorer de l’américain Vantage Drilling International est mobilisée pour ce puits situé à 13 km de la découverte Venus-1.
En cas de réussite, un deuxième puits, Nara-1X, sera effectué sur le PEL 91 adjacent. En parallèle, un autre navire de forage, le Deepsea Mira de la société norvégienne Northern Ocean, est en cours d’acheminement vers les eaux namibiennes. Il doit arriver dans le bassin de Walvis avant la fin mai pour effectuer des tests complémentaires sur les puits de TotalEnergies.
Ce fourmillement de projets contraste avec le blocage des activités de la major sur son bloc 11B/12B, de l’autre côté de la frontière, dans l’offshore sud-africain, au large de Mossel Bay. Les négociations engagées sur ordre du PDG, Patrick Pouyanné, avec les sociétés publiques Eskom et PetroSA au sujet de la destination du gaz de ce bloc sont toujours au point mort.
Après avoir laissé entendre à l’administration sud-africaine que la production pourrait finalement être exportée plutôt que vendue localement, la firme ne parvient pas à faire accélérer les discussions en vue d’une prise de décision, retardant d’autant l’arrivée du first gas initialement prévue en 2027.
Parallèlement, la major Shell attend toujours de savoir si elle pourra recommencer ses études sismiques 3D dans les eaux sud-africaines, après avoir été bloquée par la haute cour de Makhanda (province de l’Eastern Cape) en septembre 2022. Elle a fait appel de cette décision.
Une éclaircie sur le bloc 5/6/7 ?
Dans ce contexte morose, l’autorisation environnementale accordée le 17 avril à Total Energies par le directeur général du ministère sud-africain de l’énergie et des ressources minérales, Jacob Mbele, pour mener des activités d’exploration sur le bloc offshore 5/6/7 (dans le bassin d’Orange, à la frontière avec la Namibie), a été perçue comme un signal positif.
Sur place, le dossier est supervisé par le responsable HSE & Sustainability de Total Energies, le Sud-Africain Eduard Groenewald, également mobilisé sur les questions environnementales et sécuritaires.
Cette autorisation ouvre la voie à la possibilité de forer un premier puits sur le bloc 5/6/7, que TotalEnergies (40 %) partage avec Shell (40 %) et PetroSA (20 %), entre le quatrième trimestre de 2023 et le second trimestre de 2024.
Dans cette zone, l’opérateur du bloc 3B/4B, Africa Oil, nourrit lui aussi des ambitions de forages, mais pas à court terme, la firme étant actuellement à la recherche d’un partenaire financier.
Concrétiser les promesses
De son côté, la Namibie fait déjà valoir un agenda plus précis. Opérateur du PEL 83, Galp prévoit de forer dans les prochains mois à proximité de la découverte Graff-1 de Shell. La firme portugaise a assuré aux autorités namibiennes que les travaux seraient effectués avant la fin de l’extension de l’actuelle période d’exploration, dont le terme est prévu pour septembre 2024, mais le gouvernement espère un forage avant fin 2023.
Les autorités de Windhoek n’ont en revanche reçu aucune assurance de la part de Maurel & Prom concernant leur programme de forage sur le PEL 44 (bassin de Walvis), dont le premier puits était initialement prévu pour le dernier trimestre de 2023.
Contactée, la société confirme que « la date de forage n’est pas encore arrêtée » et indique avoir « entamé la recherche d’un partenaire afin de partager le coût de ce puits ». D’autres opérateurs, à l’instar de Woodside Energy sur le PEL 87 (bassin d’Orange), travaillent à l’acquisition de données sismiques. Les premiers résultats devraient être connus fin août, avant un possible puits d’exploration.
Un futur entrant aux poches pleines
Malgré ces incertitudes, la Namibie dispose d’un avantage comparatif majeur par rapport à son voisin sud-africain : ayant déjà réussi à attirer Chevron en octobre 2022 sur le PEL 90, elle est courtisée par de nouveaux acteurs, ENI en tête. Les négociations entre le gouvernement namibien et la major italienne, sont toujours en cours. Elles concernent les permis 2312 et 2412A, plus connus sous le nom de Central Blocks. Anciennement propriété des Britanniques de Chariot Oil & Gas, ils ont été récemment rendus à l’Etat après des forages non concluants sur le prospect S en 2018.
Les sous-traitants habituels d’ENI suivent attentivement la situation, soucieux d’accompagner la major sur ce nouveau terrain namibien. Le dernier investissement significatif d’ENI dans l’exploration en Afrique australe a été effectué au Mozambique, futur géant gazier, où elle opère le bloc 4 en tandem avec ExxonMobil.
Seule ombre au tableau namibien : le départ du directeur général de la société nationale pétrolière Namcor d’Immanuel Mulunga, sur fond d’accusations d’irrégularités dans l’acquisition d’un bloc pétrolier en Angola, pour lequel Namcor s’est associé à l’homme d’affaires allemand Lars Windhorst. En poste depuis 2015, Immanuel Mulunga était l’un des principaux points de contact de l’industrie pétrolière, au même titre que la petroleum commissioner Maggy Shino, toujours en poste.