Aucune nomination n’a été effectuée depuis trois ans par le Conseil supérieur de la magistrature, qui paye les conséquences du conflit larvé entre le secrétaire général de la présidence camerounaise, Ferdinand Ngoh Ngoh, et le ministre de la justice, Laurent Esso.
Depuis trois ans, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) du Cameroun ne parvient pas à se réunir. Une paralysie qui gèle l’avancement des magistrats et, par ricochet, une partie de l’appareil judiciaire. Le précédent conseil convoqué par le présidant de la république Paul Biya, qui le préside, s’était tenu le 10 août 2020. En théorie, il est censé avoir lieu deux fois par an, aux mois de juin et décembre.
Principale raison de ce statu quo : la bataille souterraine entre la présidence et l’actuel ministre de la justice et vice-président du CSM, Laurent Esso. Celui-ci s’oppose depuis plusieurs mois au conseiller juridique de Paul Biya, Jean Claude Awala Wodougue ainsi qu’à Abel Minko Minko, nommé en juin 2021 au poste de secrétaire permanent du CSM.
Rejets systématiques
Ces deux hommes sont tous deux des proches de Ferdinand Ngoh Ngoh, le secrétaire général à la présidence de la République (SGPR), qui a facilité leur accession à leurs postes respectifs.
Dans la pratique, l’ordre du jour est préparé par le ministre de la justice qui le soumet au secrétariat permanent. Ce dernier l’approuve avant de le transmettre aux services de la présidence. Les dossiers envoyés par Laurent Esso sont désormais systématiquement rejetés par Jean Claude Awala Wodougue et Abel Minko Minko. En réponse, les fonctionnaires du ministère refusent de se plier aux exigences des deux conseillers.
Echauffourées entre ministres
Cet épisode est en réalité le prolongement d’une bataille plus profonde au cœur du système pour le contrôle de l’appareil judiciaire. Les relations entre Laurent Esso et Ferdinand Ngoh Ngoh sont à couteaux tirés et les deux hommes multiplient les escarmouches de plus en plus violentes.
Le ministre de la justice n’a pas apprécié que son nom soit cité dans l’affaire de l’assassinat du journaliste Martinez Zogo, et attribue la manœuvre au SGPR. Ce dernier reproche quant à lui au ministre, l’un des plus proches du chef de l’Etat, d’avoir laissé les enquêteurs du Tribunal criminel spécial le convoquer en août 2022 dans le cadre de l’enquête sur les fonds Covid-19.