Que ce soit en matière de prix payé aux planteurs ou de commercialisation des fèves, le niveau historiquement élevé des cours de l’or brun fait les affaires du Cameroun. Beaucoup moins celles de la Côte d’Ivoire, pourtant premier producteur mondial.
2 730 francs CFA le kilo de cacao. C’est le prix auquel ont été vendues 85 tonnes de fèves dans la région de l’est du Cameroun en cette fin janvier. Un tarif qui « confirme le statut des producteurs camerounais comme étant parmi les mieux rémunérés au monde », a souligné le 23 janvier le ministre du Commerce camerounais, Luc Magloire Atangana Mbarga.
Si ce prix a marqué les esprits, c’est aussi parce qu’il est bien plus élevé que celui, de 1 000 francs CFA, qui est garanti aux planteurs en Côte d’Ivoire et au Ghana, respectivement premier et deuxième producteurs mondiaux d’or brun, tous deux engagés depuis 2018 dans une bataille avec l’industrie du chocolat pour obtenir une meilleure rémunération de leur production.
Ce bras de fer, qui se joue sur un marché du cacao mondialisé, intervient dans un contexte de flambée des cours, à plus de 3 700 livres sterling sur le marché à terme de Londres et à plus de 4 600 dollars sur celui de New York à fin janvier pour des contrats à régler en mars 2024.
Spécialiste du cacao ayant vécu au Costa Rica, au Cameroun et à Trinité-et-Tobago, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), Martijn ten Hoopen analyse la position ouest-africaine dans cet environnement. Malgré l’union affichée entre les producteurs africains – la Côte d’Ivoire et le Ghana ayant constitué une « Opep du cacao » que le Nigeria et le Cameroun affirment vouloir rejoindre -, il rappelle que les systèmes de production et de commercialisation restent différents d’un pays à l’autre, en particulier entre la Côte d’Ivoire et le Cameroun.
Tivnews : Le cours du cacao dépasse les 4 000 dollars la tonne à la bourse de New York, en hausse de 80 % depuis un an. Peut-on parler de niveau historique ?
Martijn ten Hoopen : Les cours sont en effet élevés, conséquence des estimations de récoltes en baisse, notamment de la part de la Côte d’Ivoire et, dans une moindre mesure, du Ghana, en raison principalement de mauvaises conditions météorologiques. L’offre de cacao étant moindre que la demande, le prix grimpe. Cela dit, il faut rappeler que le marché de l’or brun est très volatil. On a déjà connu par le passé des périodes de cours hauts et, en prenant en compte l’inflation, les niveaux de prix d’aujourd’hui demeurent inférieurs à ceux de certaines périodes antérieures. L’actuelle flambée est conjoncturelle : si la production de cacao repart à la hausse, les prix baisseront.
Spécialiste du cacao ayant vécu au Costa Rica, au Cameroun et à Trinité-et-Tobago, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), Martijn ten Hoopen analyse la position ouest-africaine dans cet environnement. Malgré l’union affichée entre les producteurs africains – la Côte d’Ivoire et le Ghana ayant constitué une « Opep du cacao » que le Nigeria et le Cameroun affirment vouloir rejoindre -, il rappelle que les systèmes de production et de commercialisation restent différents d’un pays à l’autre, en particulier entre la Côte d’Ivoire et le Cameroun.
Tivnews : Le cours du cacao dépasse les 4 000 dollars la tonne à la bourse de New York, en hausse de 80 % depuis un an. Peut-on parler de niveau historique ?
Martijn ten Hoopen : Les cours sont en effet élevés, conséquence des estimations de récoltes en baisse, notamment de la part de la Côte d’Ivoire et, dans une moindre mesure, du Ghana, en raison principalement de mauvaises conditions météorologiques. L’offre de cacao étant moindre que la demande, le prix grimpe. Cela dit, il faut rappeler que le marché de l’or brun est très volatil. On a déjà connu par le passé des périodes de cours hauts et, en prenant en compte l’inflation, les niveaux de prix d’aujourd’hui demeurent inférieurs à ceux de certaines périodes antérieures. L’actuelle flambée est conjoncturelle : si la production de cacao repart à la hausse, les prix baisseront.
Tivnews: Dans ce contexte, les cacaoculteurs camerounais touchent plus de 2 000 francs CFA le kilo de fèves, quand leurs homologues ivoiriens doivent se contenter de la moitié de ce tarif. Comment expliquer un tel écart ?
On est face à deux modèles différents. Au Cameroun, après la série de crises intervenues à la fin des années 1980 et au début des années 1990, le marché du cacao a été libéralisé. Il le demeure aujourd’hui : les producteurs vendent directement aux acheteurs au prix du marché international, sans intervention de l’État. En outre, s’il y a bien ponctuellement des ventes à terme, la majorité des échanges sont des transactions spot, immédiatement exécutées. Cela explique le fait que les producteurs camerounais profitent à plein de la hausse de prix, même si cette situation risque de ne pas durer.
En Côte d’Ivoire, les fèves sont très majoritairement vendues via des contrats à terme : la récolte en cours a déjà été négociée l’an dernier, au tarif de l’époque qui est bien inférieur au niveau actuel des cours. Et Abidjan commercialise en ce moment la future campagne 2024-2025. Surtout, l’État intervient sur le marché via un mécanisme de stabilisation du prix d’achat du cacao bord champ. Chaque année, en début de campagne, l’organisme public qui encadre le secteur, le Conseil café-cacao (CCC), fixe un prix minimal garanti aux producteurs, moyen de les protéger contre la volatilité du marché international.
Résultat, en cas de cours bas, les cacaoculteurs ivoiriens sont assurés de toucher un certain niveau de prix, quand leurs homologues camerounais voient leurs revenus s’effondrer. Mais, en cas de cours hauts, les premiers n’en bénéficient pas au maximum et pas autant que les seconds, le CCC collectant la différence entre le prix garanti et le cours international afin de financer le système en période de cours bas ainsi qu’un appui à la filière, principalement la subvention d’intrants. Autrement dit, les producteurs ivoiriens profiteront de la hausse actuelle à long terme car elle signifie qu’il y aura de l’argent pour stabiliser la filière quand les cours seront redescendus…
Tivnews: Sur le plan de la commercialisation, la période de cours élevés complique les choses pour la Côte d’Ivoire, qui a du mal à vendre ses fèves depuis le début de la campagne en raison de la réticence des acheteurs à payer un prix jugé trop important, mais pas pour le Cameroun. Pourquoi ?
D’une part, on ne parle pas du tout des mêmes volumes. Il s’agit de quelque 300 000 tonnes côté camerounais contre 1,8 million de tonnes – 2 millions ces dernières années – côté ivoirien. D’autre part, si la Côte d’Ivoire a engagé un rapport de force avec l’industrie autour du revenu décent via la création d’une « Opep du cacao » avec le Ghana, ce n’est pas le cas du Cameroun, qui ne fait pas partie de l’alliance.
Plus globalement, les difficultés rencontrées par la Côte d’Ivoire illustrent la bataille entre vendeurs et acheteurs à l’œuvre sur le marché du cacao. Si l’Afrique, qui produit 70 % des fèves au niveau mondial, dispose d’un certain pouvoir pour dicter ses conditions de vente, les acheteurs qui lui font face, des opérateurs privés en nombre limité, sont aussi en position de force : seules dix entreprises assurent 42 % du marché des produits chocolatés et cinq transformateurs réalisent 60 % du broyage de fèves dans le monde.