Des ONG tunisiennes ont lancé vendredi un cri d’alarme sur la situation « catastrophique » des migrants d’Afrique subsaharienne expulsés de la ville de Sfax, dans le centre-est du pays, appelant à les « héberger d’urgence » dans des centres d’accueil.
Des ONG tunisiennes ont lancé vendredi 14 juillet un cri d’alarme sur la situation « catastrophique » des migrants d’Afrique subsaharienne expulsés de la ville de Sfax, dans le centre est du pays. Ils appellent à les « héberger d’urgence » dans des centres d’accueil.
À la suite d’affrontements ayant coûté la vie à un Tunisien le 3 juillet, des centaines de migrants africains ont été chassées de Sfax, deuxième ville de Tunisie et devenue cette année le principal point de départ pour l’émigration clandestine vers l’Europe.
Plusieurs personnes sont déjà mortes
Ils ont été alors conduits par les autorités, selon des ONG, vers des zones inhospitalières près de la Libye à l’Est, et l’Algérie à l’Ouest. Sans eau, ni nourriture, ni abris par des températures dépassant les 40 degrés, plusieurs sont morts, selon l’organisation Human Rights Watch.
Plusieurs centaines d’entre eux se trouvent dans des conditions extrêmement précaires et luttent pour leur survie.
« Des migrants sont transférés d’un endroit à un autre, et d’autres groupes, dans des conditions catastrophiques, se cachent dans la nature de peur d’avoir le même sort que ceux bloqués aux frontières », a déploré Romdane Ben Amor, porte-parole du FTDES, une ONG tunisienne spécialisée dans les migrations, appelant à leur fournir des hébergements d’urgence.
Arrêtés « sur la base de leur couleur »
Les « arrestations arbitraires » ont repris vendredi, a assuré à l’AFP le président de l’association de la diaspora camerounaise, Éric Tchata, qui a publié une vidéo d’un compatriote où on voit un groupe comprenant des femmes et enfants « regroupés dans un entrepôt à Medénine ».
« Ils sont environ 300 et ont été arrêtés par la police près de la gare de Zarzis (à 300 km au sud de Sfax) juste sur la base de leur couleur », a indiqué Éric Tchata, rappelant que beaucoup étaient en route pour « gagner leur pain ». Un grand nombre des migrants arrivant en Tunisie d’Afrique subsaharienne réussissent à travailler sans être déclarés, notamment sur des chantiers, dans l’agriculture ou comme femmes de ménage.
Le Croissant-Rouge tunisien a pris en charge provisoirement dans des écoles depuis lundi environ 600 migrants, récupérés à la frontière libyenne.
« Hordes de migrants »
Un discours de plus en plus ouvertement xénophobe s’est répandu en Tunisie depuis que le président Kais Saied, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021, a dénoncé le 21 février l’immigration clandestine, évoquant des « hordes de migrants subsahariens » venus, selon lui, « changer la composition démographique » du pays.
Après avoir estimé en début de semaine que la Tunisie avait « donné une leçon d’humanité au monde » dans le traitement des migrants, il a indiqué vendredi que ce qu’elle leur « a offert est meilleur que ce qu’ils trouvent dans d’autres endroits ».
Un discours « pousse-au-crime »
Dans un communiqué, 28 ONG locales et internationales ont qualifié le discours de Kais Saied de « pousse-au-crime » « qui n’a fait qu’encourager ces exactions et accorder un blanc-seing aux graves violences à l’encontre des personnes exilées ».
Les ONG ont aussi dénoncé « les pressions exercées par l’UE sur la Tunisie dans le cadre d’une coopération inégale et marchandée en vue d’imposer à ce pays sa politique ultra-sécuritaire en matière d’immigration ».
L’Union européenne veut faire de la Tunisie son « garde-frontière » pour « contenir les migrations indésirables en échange d’une aide financière », selon eux.